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tiendras à son égard la place auprès de Dieu[1].
LXV. (Ib. 17, 9.) Sur la verge de Dieu.
– « Voici que je me tiens debout sur le sommet de la colline, et la verge de Dieu à la main » dit Moïse à Josué, fils de Navé, lorsqu’il lui ordonne de combattre contre Amalech. La verge appelée d’abord verge d’Aaron, puis de Moïse, s’appelle donc maintenant la verge de Dieu : comme l’Esprit de Dieu est appelé l’esprit d’Élie[2], parce que Élie en a été rendu participant, ainsi a-t-on pu donner différents noms à cette verge. On dit également la justice de Dieu, pour désigner la nôtre, mais considérée comme un don de Dieu parlant sur cette matière, l’Apôtre reproche aux Juifs « leur ignorance de la justice de Dieu et leurs efforts pour établir leur propre justice[3], c’est-à-dire celle qui viendrait d’eux-mêmes ; c’est contré ces aberrations qu’il s’élève en disant « Qu’as-tu en réalité que tu n’aies reçu[4] ? »


LXVI. (Ib. 18, 12.) Que signifie : Devant Dieu?
– « Araon et tous les anciens d’Israël vinrent manger du pain avec le beau-père de Moïse devant Dieu » (ante Deum), ou suivant d’autres exemplaires, en présence de Dieu (coram Deo) : en grec, ἐναντίον τοῦ θεοῦ. On demande où ce repas se fit devant Dieu, puisque le tabernacle et l’arche d’alliance n’existaient pas encore et furent érigés seulement dans la suite. Nous ne pouvons pas rapporter ce fait à un temps à venir, comme nous l’avons dit pour la manne placée dans un vase d’or[5]. On doit donc regarder comme fait devant Dieu ce qui se fait pour sa gloire : car où Dieu n’est-il pas ?
LXVII. (Ib. 18, 15.) Éternité de la loi de Dieu.
– Moïse dit à son beau-père : « Le peuple vient à moi pour recevoir le jugement de Dieu ; lorsqu’il leur arrive quelque différend et qu’ils viennent à moi, je juge chacun d’eux, et je les instruis des ordonnances et des lois de Dieu. » On peut demander comment un pareillangage.setrouve dans la bouche de Moïse, puisque la loi de Dieu n’était pas encore écrite. N’est-ce point parce que la loi de Dieu est éternelle et que toutes les âmes pieuses la consultent, afin de conformer leurs actions, leurs ordres ou leurs défenses avec ses préceptes, qui reposent sur l’immuable vérité ? Se persuadera-t-on, en effet, que Moïse, bien qu’admis à des entretiens familiers avec Dieu, le consultait ordinairement pour chaque difficulté, quand parfois il était retenu du matin au soir dans l’exercice de la justice pour terminer les différends survenus parmi cette multitude ? Et cependant s’il n’avait pas consulté le Seigneur comme le guide de sa conscience, et s’il ne s’était sagement inspiré de son éternelle loi, il n’aurait pu juger les différends suivant les règles de la plus stricte justice.
LXVIII. (Ib. 18, 18-19.) Excellent conseil de Jéthro à Moïse.
– À propos du conseil que Jéthro donna à son gendre, Moïse, de ne pas se consumer lui et son peuple dans les intolérables embarras de la justice, on demande d’abord pourquoi Dieu, qui honorait son serviteur de révélations si nombreuses et si importantes, permit qu’un étranger lui fit une leçon. L’Écriture nous apprend par là qu’un bon conseil, de quelque part qu’il vienne, ne doit pas être méprisé. Il faut voir encore si Dieu n’a pas voulu qu’un étranger reprit Moïse sur un point où l’orgueil avait pu le tenter, puisque seul il siégeait pour rendre les arrêts de la justice souveraine en présence de tout le peuple. C’est ce qu’indique le texte, car Jéthro veut qu’on choisisse, pour juger les causes du peuple, des hommes ennemis de la superbe. De plus, on voit assez dans ce passage combien il faut être fidèle aux conseils que donne l’Écriture en un autre endroit : « Mon fils, ne t’engage point dans une multitude d’actions[6]. » Enfin les termes, dans lesquels est conçu l’avis de Jéthro à Moïse, sont à considérer : « Maintenant donc, lui dit-il, écoute-moi, et je te donnerai un conseil, et Dieu sera avec toi. » Le sens qui me paraît en résulter, c’est que l’esprit humain, trop appliqué aux actions humaines, se vide en quelque sorte de Dieu, et qu’il s’en remplit à mesure qu’il se porte plus librement vers les choses célestes et éternelles.
LXIX. (Ib. 18, 19-20.) Encore sur le conseil de Jéthro à Moïse.
– Ce qu’ajoute Jéthro : « Sois pour le peuple dans tout ce qui regarde Dieu, et tu rapporteras à Dieu leurs paroles et tu leur apprendras les ordonnances et la loi divines ; et tu leur montreras les voies par lesquelles ils marcheront, et ce qu’ils auront à accomplir » fait voir que toutes ces choses concernent le peuple pris en masse. Car Jéthro ne dit pas : Tu rapporteras à Dieu les paroles de chacun, mais « leurs paroles » après qu’il venait de dire : « sois pour le peuple dans tout ce qui regarde Dieu. » Ensuite il veille à ce que le soin des affaires particulières ne soit pas délaissé :

  1. Ex. 4, 16
  2. Lc. 1, 17
  3. Rom. 10, 3
  4. 1 Cor. 4, 7
  5. Ci-dessus, Ques. LXI.
  6. Sir. 11, 10