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nullement opposée à l’Écriture ou un témoignage de l’Écriture même.

CHAPITRE XVII. DISCUSSION DU TEXTE DE LA SAGESSE CITÉ PLUS HAUT.


30. Examinons maintenant, dans les limites que nous trace le plan de cet ouvrage, le texte dont nous avons tout-à-l’heure ajourné la discussion : « J’étais un enfant d’heureux naturel, j’ai reçu une âme bonne, et devenant meilleur je me suis uni à un corps pur[1]. » Ce texte semble favorable à ceux qui prétendent que les âmes, loin d’être produites par celles des parents, viennent ou descendent d’en haut et sont envoyées par Dieu dans le corps ; en revanche, les expressions : « J’ai reçu une âme bonne » ne laissent pas d’être fort embarrassantes pour eux : car, ils croient sans aucun doute que les âmes envoyées par Dieu dans, les corps sortent d’une source unique dont elles sont comme autant de ruisseaux ou du moins sont de la même espèce, ils n’admettent pas que les unes soient bonnes ou meilleures, les autres mauvaises ou pires encore. D’où viennent en effet les différences qui rendent les âmes bonnes ou mauvaises, à divers degrés, sinon des habitudes librement contractées ou des tempéraments, qui font plus ou moins plier l’âme « sous le poids de ce corps corrompu qui est un faix pour l’âme[2] ? » Or, aucune âme, avant de descendre dans le corps, n’a contracté d’habitudes en vertu d’actes personnels, et ce n’est pas en songeant à un corps moins lourd que l’auteur de ce passage a pu dire de lui-même : « J’étais un enfant d’heureux naturel, j’ai reçu une âme bonne et devenant meilleur je me suis uni à un corps pur. » Ainsi il était bon avant de descendre dans un corps, mais cette bonté ne tenait ni à, la différence des mœurs, puisqu’il n’avait point acquis de mérites dans une existence antérieure, ni à quelque différence dans le corps, puisqu’il était bon avant d’y descendre. A quoi tenait-elle donc ?
31. Pour les partisans de la transmission des âmes, le texte, à part les expressions : « Je me suis uni à un corps » se concilie bien avec leur opinion. L’auteur, en effet, après avoir dit : « J’étais un enfant d’heureux naturel » ajoute immédiatement : « et j’ai reçu une âme bonne » pour montrer les causes auxquelles tenait cet avantage, c’est-à-dire, le caractère de son père ou son tempérament. Quant aux expressions : « Et devenant meilleur je me suis uni à un corps pur » on peut les entendre de sa mère et les concilier avec celles qui précèdent ; car, étant admis qu’il est sorti de l’âme et du corps de son père pour entrer dans les entrailles sans souillure de sa mère, on peut conclure qu’il n’a point été conçu dans ce flux de sang qui, dit-on, communique à l’enfant un esprit lourd, ou dans l’impudicité de l’adultère. Par conséquent, ou ce texte de la Sagesse est plus favorable à l’hypothèse de la transmission des âmes, ou il ne prouve ni pour ni contre, si l’on réussit à l’interpréter aussi d’après l’opinion contraire.

CHAPITRE XVIII. DE L’ÂME DU CHRIST : LE TEXTE PRÉCÉDENT LA CONCERNE-T-IL ?


32. Si l’on veut appliquer ces paroles au Seigneur, sous le rapport de la nature humaine revêtue par le Verbe, on trouve dans le contexte des traits qui ne conviennent guère à une si haute majesté, principalement cet aveu que fait l’auteur un peu plus haut, lorsqu’il dit : « qu’il est né de la semence d’un homme épaissie dans le sang[3]. » Ce n’est point ainsi qu’est né le Fils de la Vierge, dont l’incarnation, comme aucun chrétien n’en doute, s’est faite sans le concours d’un homme. Sans doute quand le Psalmiste dit : « Ils ont percé mes pieds et mes mains et ils ont compté tous mes os ; ils m’ont regardé, considéré ; ils se sont partagé mes vêtements et ont jeté le sort sur ma robe » ces traits ne conviennent qu’à Jésus-Christ ; mais il dit au même endroit : « Mon Dieu, regardez-moi, pourquoi m’avez-vous abandonné ? La voix de mes péchés éloigne ma délivrance[4]; » et ces paroles ne lui conviennent qu’en tant, qu’il représente notre corps dégradé, parce que nous sommes les membres de son corps. Il est dit dans l’Évangile, même : « L’enfant croissait en âge et en sagesse. » Or, si quelques expressions, qui avoisinent dans le livre de la Sagesse le texte que nous citons, peuvent s’appliquer à Notre-Seigneur, parce qu’il a pris les humbles dehors de l’esclavage et que le corps de l’Église devient un par son union avec son Chef, je le demande, peut-on concevoir un enfant de plus heureux naturel que celui dont les vieillards admiraient la sagesse à douze ans[5] ?

  1. Sag. 8, 19-20
  2. Id. 9, 15
  3. Sag. 7, 2
  4. Ps. 21,17-19
  5. Lc. 2, 42, 52