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CHAPITRE IX. D’UN PASSAGE DE L’ECCLÉSIASTE : QU’IL S’APPLIQUE INDIFFÉREMMENT AUX DEUX HYPOTHÈSES.


15. Quant à ce passage de l’Ecclésiaste : « Que la poudre retourne dans la terre ; comme elle y avait été, et que l’esprit retourne à Dieu, qui l’a donné[1] » loin de favoriser une hypothèse aux dépens de l’autre, il s’applique indifféremment au deux. Ce texte, diront les uns, prouve bien que l’âme, loin d’émaner des parents, est donnée par Dieu ; car, tandis que lit poussière, c’est-à-dire la chair qui en a été faite, rentrera dans la poussière, l’esprit retournera à Dieu qui l’avait donné. Oui sans doute, répondront les autres, l’esprit retourne à Dieu qui l’a donné au premier homme quand il souffla sur sa face[2], et la poussière, en d’autres termes, le corps humain rentrera dans la terre dont elle est venue primitivement[3]. L’âme ne doit point retourner aux parents, bien qu’elle en sorte par une transmission qui remonte jusqu’au premier homme, au même que titre la chair ne retourne point après la mort aux parents, dont elle est un produit manifeste. Par conséquent, de même que la chair rentre, non dans les corps dont elle s’est formée, mais dans la terre dont elle est sortie pour composer le corps du premier homme ; de même l’esprit ne retourne point aux hommes qui l’ont transmis, mais à Dieu qui l’avait uni à la chair du premier homme.
16. Ce texte sert du moins à nous rappeler que Dieu a tiré l’âme qu’il donna au premier homme du néant, et non de quelque être préexistant, comme il tira le corps de la terre : par conséquent l’âme ne peut revenir qu’à celui-là même qui l’a donnée ; n’ayant point été formée d’une créature, elle n’y saurait rentrer comme le corps rentre dans la terre. Or elle n’a été formée d’aucun être, puisqu’elle a été faite de rien. C’est donc à son Créateur, à celui qui l’a faite de rien, qu’elle se rend, du moins quand elle accomplit son retour. Toutes en effet ne l’accomplissent pas, parce qu’il y a « des esprits qui passent, comme dit l’Écriture, et qui ne reviennent point[4]. »

CHAPITRE X. IL EST DIFFICILE DE RÉSOUDRE LA QUESTION DE L’ORIGINE DE L’ÂME AVEC LES TEXTES DE L’ÉCRITURE SAINTE.


17. Il est donc bien difficile de rassembler sur cette question des passages décisifs. On peut sans doute recueillir des textes, les citer, leur donner même de longs développements ; mais si on ne peut en déduire des vérités aussi incontestables que la création de l’âme par Dieu, et le don qu’il y en a fait au premier homme, je ne vois plus comment on pourrait trouver dans les témoignages de l’Écriture la solution du problème. S’il avait été écrit que Dieu souffla également sur la face de la femme, après l’avoir formée, et qu’elle devint ainsi une âme vivante, ce serait pour lui un rayon de lumière, et nous pourrions croire que l’âme associée aux organes n’est.pointune émanation de l’âme des parents. Toutefois il resterait encore à savoir ce qu’on devrait penser de la génération, acte d’après lequel l’homme sort d’un autre homme. Car la première femme ne se forma point par cette voie, et à ce titre, on pourrait dire que l’âme qu’elle reçut de Dieu ne fut point une émanation de celle d’Adam, puisqu’elle n’en sortit point comme un enfant de son père. Si seulement l’Écriture nous avait révélé que le premier enfant d’Adam et d’Eve reçut son âme, non par propagation, mais par un don d’en haut, c’est alors qu’on aurait pu induire la même chose pour toutes les âmes, malgré le silence des livres saints.

CHAPITRE XI. DU PASSAGE DE SAINT PAUL RELATIF AU PÉCHÉ ORIGINEL, ET DU BAPTÊME DES ENFANTS.


18. Examinons encore un passage de l’Apôtre et voyons si, sans contredire ces hypothèses, il se concilie également avec chacune d’elles ; voici ce passage : « Un seul homme a introduit le péché dans le monde et par le péché la mort, qui a ensuite passé dans tous les hommes, tous ayant péché en lui » et un peu plus bas : « De même donc que par le péché d’un seul, tous les hommes sont tombés dans la condamnation de la mort, ainsi par la justice d’un seul tous ont reçu la justification de la vie. Car de même que par la désobéissance d’un seul, beaucoup

  1. Eccl. 12, 7
  2. Gen. 2, 7
  3. Id. 3, 19
  4. Ps. 77, 30