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père renferme son fils, et sans les avoir faites conjointement avec ces œuvres à la fois inachevées et complétés dont il se reposa le septième jour ; c’est rendre inutile le soin minutieux avec lequel l’Écriture nous apprend que Dieu acheva toutes ses œuvres le sixième jour et les trouva excellentes, car c’est supposer qu’il devait après cette époque créer des substances sans les avoir formées primitivement en elles-mêmes ou dans leurs causes. Voudrait-on dire que Dieu garde en lui-même le principe selon lequel il crée au moment de la conception chaque âme en particulier au lieu de l’avoir établi dans la créature ? Mais comme l’âme aujourd’hui est de la même espèce que celle qui fut donnée à l’homme le sixième jour et lui valut sa ressemblance avec Dieu, on ne saurait dire que Dieu crée aujourd’hui une âme qu’il n’aurait point alors achevée. A ce moment, en effet, il avait créé l’âme telle qu’il la crée encore aujourd’hui : par conséquent il ne crée pas aujourd’hui une espèce nouvelle, sans rapport avec les œuvres qu’il acheva primitivement. Loin donc de s’accomplir en dehors des causes que contiennent les êtres futurs et qui ont été déposées dans l’univers, l’opération divine n’en est que le développement ; les corps humains n’étant qu’une propagation à travers les siècles d’une cause primitive, c’est en vertu d’une loi analogue que doivent s’y associer les âmes, telles que Dieu les crée et les unit aux organes.
6. Nous pouvons maintenant, sans craindre de contredire l’Écriture sur la création primitive, faire ressortir la probabilité plus ou moins grande d’une de ces trois hypothèses ; entrons donc dans la question en lui donnant, avec l’aide de Dieu, tout le développement qu’elle comporte. Si nous ne pouvons arriver à ce degré d’évidence qui exclut le doute, tâchons au moins de nous former une opinion qu’on puisse adopter en attendant la pleine lumière, sans tomber dans l’absurdité. Si nous ne pouvons atteindre ce modeste résultat, si les arguments se balancent et se détruisent, nous prouverons, en restant dans le doute, que nous n’évitons pas les recherches laborieuses mais les affirmations inconsidérées. De la sorte, celui qui posséderait la vérité, daignera nous la communiquer : quant à ceux dont l’assurance tient de la présomption plus qu’elle n’est fondée sur l’autorité de l’Écriture ou sur l’évidence du raisonnement, ils ne.dédaignerontpas de partager nos doutes.

CHAPITRE IV. DE QUELQUES PRINCIPES INCONTESTABLES À PROPOS DE LA NATURE ET DE L’ORIGINE DE L’ÂME.


7. Tout d’abord, tenons pour certain que l’âme ne peut ni se changer en corps et devenir matérielle, ni dégénérer en âme déraisonnable et s’identifier avec celle des bêtes, ni enfin se confondre avec la substance divine, et qu’également ni le corps ni l’âme des bêtes ni la nature divine ne peuvent se transformer et devenir âme humaine. Un point aussi incontestable, c’est que l’âme humaine n’est et ne peut être qu’une création de Dieu. Or, si Dieu ne l’a fait sortir ni de la matière, ni d’une âme sans raison, ni de sa propre substance, la question se réduit à savoir s’il l’a tirée du néant ou d’une substance spirituelle et intelligente. Qu’il la fasse de rien, après – avoir achevé les œuvres où il créa tout à la fois, c’est une thèse qu’il serait par trop fort de vouloir démontrer, et s’il existe des preuves sérieuses en faveur de cette opinion, je ne les connais pas. Qu’on ne vienne pas nous imposer des idées que l’homme ne peut comprendre ; le pourrait-il, je m’étonnerais fort qu’on pût les communiquer à d’autres esprits qu’à ceux qui par leurs propres forces et sans avoir besoin des lumières d’autrui sont capables de les concevoir. En de telles matières il est plus sûr de laisser de côté les opinions humaines et de se borner à peser attentivement le sens des témoignages divins.

CHAPITRE V. L’ÂME N’EST UNE ÉMANATION NI DES ANGES, NI DES ÉLÉMENTS, NI DE LA SUBSTANCE DIVINE.


8. L’opinion d’après laquelle Dieu donnerait les anges pour principe et comme pour pères aux âmes, ne s’appuie sur aucun témoignage des Livres canoniques : du moins je ne le connais pas. A plus forte raison ne sauraient-elles sortir des éléments matériels. On sera peut-être embarrassé par le.passagedu prophète Ezeiel annonçant la résurrection des morts, qui fait venir l’esprit des quatre vents du ciel, afin qu’il les vivifie par son souffle et les ressuscite. Voici ce passage : « Le Seigneur me dit : Prophétise et adresse-toi à l’Esprit. Prophétise, fils de l’homme et dis à l’Esprit : Viens des quatre vents, souffle sur ces morts et qu’ils revivent. Je prophétisai