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pièges ou dans ses filets ; ou qu’un ordre,-parti du sein de la nue, fit entendre aux animaux des paroles que la créature intelligente peut seule écouter et suivre. Ce commandement n’aurait pu être compris ni des bêtes ni des oiseaux. Toutefois la brute elle-même reçoit à sa manière les ordres de Dieu ; sans obéir à l’impulsion d’une volonté libre et intelligente, elle suit les mouvements que Dieu, le moteur immobile, lui communique par l’entremise des anges, qui voient dans son Verbe les actes à accomplir et le moment déterminé où ils doivent s’exécuter : c’est ainsi que Dieu reste en dehors des mouvements du temps, et que les anges se meuvent dans la durée, pour transmettre ses ordres aux êtres qui sont sous leur dépendance.
25. Tout être vivant, qu’il soit intelligent comme l’homme, ou privé de la raison comme l’animal, le poisson, l’oiseau, est frappé de ce qu’il voit. L’homme, étant raisonnable et libre, obéit ou n’obéit pas à la sensation ; l’animal ne sait pas délibérer, ##Rem mais l’image le frappe et le fait agir selon les lois de sa nature. Il n’est au pouvoir d’aucun être de déterminer quels objets lui viendront aux sens ou même à l’esprit, et par conséquent mettront en jeu son activité. D’où il suit qu’une fois présentés d’en haut par la docile entremise des Anges, ces objets tombent sous les sens et font parvenir les ordres de Dieu non seulement aux hommes, mais encore aux oiseaux et aux bêtes, par exemple, au monstre qui engloutit Jonas[1]. Sa volonté se communique même aux plus petits êtres, comme au ver qui reçut l’ordre de ronger l’arbrisseau à l’ombre du quel le même prophète s’était reposé[2]. Si Dieu a donné à l’homme, malgré la chair de péché qui l’enveloppe, la faculté de faire servir à ses besoins les animaux et les bêtes de somme ; s’il l’a fait capable de prendre non seulement les oiseaux domestiques, mais encore ceux qui volent dans les airs, quelque sauvage que soit leur instinct et de les apprivoiser en trouvant le merveilleux secret de les dominer dans la raison plutôt que dans la force, puisqu’il parvient en observant ce qui provoque chez eux le plaisir ou la douleur, par un sage mélange de caresses et de rigueur, à leur faire dépouiller leurs instincts sauvages pour prendre des mœurs plus douces ; quel n’est pas le pouvoir des anges qui, après avoir découvert la volonté de Dieu au sein de l’immuable Vérité qu’ils, contemplent sans cesse, déploient une activité merveilleuse pour se mouvoir dans le temps, pour ébranler dans la durée et dans l’espace les êtres subalternes, pour présenter aux animaux les images capables de les frapper et de flatter leurs instincts ! N’ont-ils pas cent fois plus de ressources pour amener, même à son insu, tout être qui respire à un but déterminé ?

CHAPITRE XV. LA FORMATION DE LA FEMME N’A EU QUE DIEU POUR AUTEUR.


26. Examinons maintenant comment s’est opérée la formation de la femme, bien qu’il y ait dans cette mystérieuse structure, comme l’appellent les livres saints, un sens allégorique. La femme, quoique tirée de la substance préexistante de l’homme, fut créée alors avec son sexe, sans être l’œuvre d’aucun être antérieur. Car les anges ne peuvent créer aucune substance : le seul auteur des êtres, quelle que soit leur grandeur ou leur petitesse, est Dieu, en d’autres termes la Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit. Maison voudrait savoir comment Adam s’est endormi, comment une de ses côtes lui a été arrachée sans qu’il ait ressenti aucune douleur. On dira peut-être que ces actes ont pu s’accomplir par l’intermédiaire des anges, soit ; mais l’acte de façonner cette côte et d’en faire sortir la femme appartient tellement au Dieu qui a créé la nature universelle, qu’il était hors du pouvoir des anges, de former la chair destinée à remplir la côte d’Adam, aussi bien que de tirer l’homme de la poussière. Je ne veux point dire que les anges n’ont aucune part à la création d’un être, mais qu’ils n’ont point la puissance créatrice, au même titre que le laboureur ne saurait créer ni ses moissons ni ses arbres. Celui qui plante et celui qui arrose ne sont rien : mais Dieu seul qui donne l’accroissement[3]. Or, c’est en vertu d’un accroissement de ce genre que l’os fut remplacé par un morceau de chair, c’est-à-dire, en vertu de l’acte souverain qui a créé les substances et donné aux anges eux-mêmes le fond de leur être.
27. L’œuvre du laboureur consiste à mettre la plante en communication avec l’eau, lorsqu’il arrose ; elle ne va pas jusqu’à la répandre dans le tissu même du bois : c’est l’acte de Celui qui a tout disposé avec ordre, poids et mesure[4]. Le laboureur peut encore arracher à un arbre une bouture et la planter dans la terre ; mais dépend-

  1. Jon. 2, 1
  2. Id. 4,6-7
  3. 1 Cor. 3, 7
  4. Sag. 11, 2