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passion fougueuse comme sans douleur ? Mais depuis qu’il a violé le précepte divin, il a justement ressenti les mouvements de la loi qui est en lutte avec celle de l’esprit, je veux dire de la mort entérinée dans les organes : telle est la concupiscence que règle le mariage, que la chasteté contient et domine, et, de même que le châtiment est attaché à la faute, le mérite peut sortir du châtiment.

CHAPITRE XI. SI L’HOMME N’AVAIT PAS PÉCHÉ, LA GÉNÉRATION SE SERAIT FAITE SANS PASSION.


19. La femme a donc été faite pour l’homme et de l’homme même, avec son organisation spéciale connue : c’est la mère de Caïn et d’Abel et de tous leurs frères, dont le genre humain devait sortir ; c’est elle qui a donné naissance à Seth, l’ancêtre d’Abraham et la tige du peuple d’Israël, la plus célèbre des races, le père aussi de toutes les nations par Noé et ses enfants. Douter de cette vérité, c’est ébranler les fondements de la foi et mériter la réprobation des fidèles. Si donc on demande dans quel but la femme a été donnée pour compagne à l’homme, je ne puis me l’expliquer après mûre réflexion, que dans l’intérêt de l’espèce, afin que leur postérité peuplât toute la terre ; toutefois la génération n’aurait pas été soumise aux mêmes conditions qu’à l’époque actuelle, où réside dans les organes cette loi de péché qui s’oppose à la loi de l’esprit, lors même qu’on en triomphe avec la grâce de Dieu : cette faiblesse en effet ne pouvait exister que dans le corps de.cettemort, dans le corps destiné à mourir par suite du péché. D’ailleurs quel châtiment plus juste que de condamner l’âme à ne plus voir le corps, son esclave, obéir au moindre signal, quand elle a refusé aller même d’obéir à son Seigneur ? Mais que Dieu fasse sortir l’âme de l’âme des parents, le corps de leur corps, ou qu’il donne aux âmes une autre origine ; il n’en est pas moins évident que l’âme accomplit une œuvre à la fois possible et digne d’une magnifique récompense, lorsque, pieusement soumise à Dieu, elle triomphe avec la grâce de la loi du péché, inhérente à ce corps de mort, en punition de la faute du premier homme ; plus la gloire qu’elle recevra au ciel doit être brillante, plus Dieu montre avec éclat le mérité attaché à l’obéissance, puisqu’elle a assez de force pour triompher du châtiment infligé à la désobéissance d’autrui.

CHAPITRE XII. LES ANIMAUX DEVANT ADAM.


20. Nous avons suffisamment examiné, je pense, pour quelle fin la femme avait été créée et associée à l’homme ; voyons maintenant pourquoi les bêtes des champs et les oiseaux du ciel furent amenés en présence d’Adam, afin qu’il leur donnât un nom, et qu’apparût en quelque sorte la nécessité de tirer la femme d’une de ses côtes, puisqu’il ne se trouvait parmi eux aucun être capable de lui prêter son concours. Cet évènement me semble renfermer un sens prophétique : il est réel sans doute, mais on peut, après en avoir confirmé l’accomplissement, l’interpréter en liberté et y voir une allégorie. Or, pourquoi Adam ne donna-t-il pas de nom aux poissons comme aux oiseaux et aux animaux terrestres ? Si l’on consulte le langage ordinaire, tous ces êtres ont reçu des noms que leur a donné la parole humaine. Non seulement les êtres qui peuplent les eaux et la terre, mais encore la terre, l’eau, le ciel, les phénomènes célestes ; réels ou supposés, que dis-je ? les conceptions même de l’esprit, ont reçu un nom qui diffère selon les idiômes. On nous a révélé qu’il y eut à l’origine une langue uniforme, avant que l’érection de la tour orgueilleuse après le déluge n’eût divisé le genre humain, en faisant attacher aux mêmes signes des sons différents. Quelle fut cette langue primitive ? C’est un problème assez indifférent. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’Adam la parla et que les derniers vestiges de ce langage, s’ils subsistent encore, se retrouvent dans les sons articulés au moyen desquels le premier homme désigna les animaux terrestres et les oiseaux. Mais est-il vraisemblable que les poissons ne furent point nommés par l’homme d’après les racines de cette langue, et que les mots ; qui les représentent furent créés de Dieu qui les enseigna ensuite à l’homme ? S’il en était ainsi, on ne pourrait s’expliquer ce fait qu’en voyant éclater sous ces mots un sens mystique. Il est probable que les poissons furent nommés peu à peu à mesure que leurs espèces furent reconnues : mais si les animaux, les bêtes, les oiseaux furent amenés devant l’homme ; s’ils furent réunis et classés par espèce afin qu’il leur donnât un nom, quand il aurait pu les nommer peu à peu et bien plus vite que les poissons, en supposant que leurs dénominations n’eussent pas déjà été trouvées, n’y a-t-il pas dans ce fait une raison cachée et une allégorie prophétique ? C’est ce que la suite du récit