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tiré du limon de la terre, et celle de la femme, tirée d’une de ses côtes, se rattachent non à la création universelle et simultanée après laquelle Dieu se reposa, mais aux œuvres qu’aujourd’hui encore Dieu accomplit dans la suite des siècles.
5. Ajoutons que les termes mêmes du récit où Dieu plante le Paradis, y place l’homme, son ouvrage, lui amène les animaux afin qu’il leur donne un nom, et ne trouvant point d’aide pour Adam qui fût semblable à lui, tire d’une de ses côtes et forme la femme, témoignent bien clairement que tous ces actes se rattachent, non aux œuvres dont il se reposa le septième jour, mais à celles qu’il produit dans le cours du temps. Voici, en effet, comment l’Écriture raconte que le Paradis fut planté : « Dieu planta un jardin en Éden du côté de l’Orient et y plaça l’homme qu’il avait formé : et Dieu fit sortir ensuite de la terre toutes sortes d’arbres agréables à la vue et offrant des fruits exquis[1]. »

CHAPITRE IV. PLANTATION DU PARADIS TERRESTRE, AU MÊME POINT DE VUE.


Les mots : « Dieu fit aussi sortir de la terre toutes sortes d’arbres agréables à la vue » révèlent clairement que Dieu fit alors sortir des arbres de la terre d’une manière toute différente qu’au troisième jour, quand la terre produisit les herbes avec leurs semences, selon leur espèce, et les arbres fruitiers, également selon leur espèce. Les expressions ejecit adhuc signifient qu’il fit naître ces arbres et ces herbes en sus de ceux qu’il avait d’abord créés : en effet les premiers avaient été formés virtuellement et en puissance dans cette création simultanée, après laquelle Dieu se reposa au septième jour ; les seconds apparurent réellement par un de ces actes que Dieu accomplit dans la suite des temps et qu’il exécute encore aujourd’hui.
6. On m’objectera peut-être que toutes les espèces d’arbres ne furent pas créées le troisième jour et que quelques-unes furent réservées pour le sixième, époque à laquelle l’homme fut créé et mis dans le Paradis. Mais l’Écriture énumère fort clairement les êtres créés le sixième jour, c’est-à-dire, les animaux selon leurs espèces, quadrupèdes, reptiles et bêtes, et l’homme créé mâle et femelle à l’image de Dieu. L’Écriture, après avoir dit le jour où l’homme fut créé, a pu laisser de côté sa formation et celle de la femme, pour revenir ; lus tard sur son récit et le compléter : mais elle n’a oublié aucune espèce de créatures, soit en exprimant le commandement divin, fiat, faciamus; soit en écrivant ses résultats, sic est factum, fecit Deus. Et en effet la distinction si exacte des œuvres divines jour par jour deviendrait inutile, si les époques prêtaient même à une ombre de confusion, et qu’il fallût croire qu’après la création des plantes et des arbres, renfermée toute entière dans le troisième joui, certaines espèces furent créées le sixième, sans que l’Écriture en ait parlé.

CHAPITRE V. SUR LE MÊME SUJET.


7. En dernier lieu que répondrons-nous à propos des bêtes des champs, et des oiseaux du ciel que Dieu fit venir devant Adam, afin qu’il vit comment il les nommerait ? Voici les termes de l’Écriture : « Et le Seigneur Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul, faisons-lui un aide semblable à lui. Et Dieu forma encore de la terre toutes les bêtes des champs, tous les oiseaux des cieux ; puis il les fit venir devant Adam, afin qu’il vît comment il les nommerait : et le nom qu’Adam, donna à tout animal vivant est son nom. Et Adam donna leurs noms à tous les animaux domestiques, aux oiseaux des cieux, et à toutes les bêtes des champs ; mais il ne se trouvait point pour Adam, d’aide qui fût semblable à lui. Et Dieu fit tomber un profond sommeil sur Adam, et il s’endormit ; et Dieu prit une de ses côtes et mit de la chair à la place. Et le Seigneur Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise à Adam.[2]. » Si donc Dieu tira des côtes de l’homme un être semblable à lui pour l’aider, après qu’il n’eut point trouvé d’aide qui lui ressemblât parmi les animaux domestiques, les bêtes des champs et les oiseaux du ciel ; si d’autre part, la formation de la femme n’eut lieu qu’après que Dieu eut formé de la terre d’autres animaux et d’autres oiseaux, et qu’il les eut fait venir devant Adam ; comment concevoir que cet acte se soit accompli le sixième jour ? La terre n’a-t-elle pas produit ce jour-là même les animaux, à la parole de Dieu ? Les eaux n’ont-elles pas produit, le cinquième jour, les oiseaux du

  1. Gen. 2, 8-9
  2. Gen. 2, 18-22