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il se présentera quelque passage où je pourrai la traiter plus à propos, et, sans compromettre l’autorité des livres saints, arriver, non à une vérité invinciblement démontrée, mais à une hypothèse plausible. Gardons ici le juste tempérament que commande une piété sérieuse, et évitons d’admettre au hasard une opinion mal éclaircie, de peur qu’au moment où la vérité peut-être se montrera dans tout son jour, sans contredire toutefois les paroles de l’ancien ou du nouveau Testament, nous ne trouvions, dans l’attachement à notre erreur, un motif de la repousser. J’arrive donc au troisième livre de cet ouvrage.

LIVRE III. LES ÊTRES VIVANTS[1].

CHAPITRE PREMIER. POURQUOI LA CRÉATION DES POISSONS PRÉCÈDE-T-ELLE, DANS LE RÉCIT SACRÉ, CELLE DES OISEAUX ? AFFINITÉ ENTRE L’EAU ET L’AIR, L’AIR ET LE CIEL.


1. « Et Dieu dit : Que les eaux produisent des animaux qui se meuvent et qui aient vie : que les oiseaux volent sur la terre, vers le firmament. Et il en fut ainsi. Dieu créa donc les grands poissons, les animaux vivants et qui se meuvent, que les eaux produisirent selon leur espèce ; il créa aussi les oiseaux ayant des ailes, selon leur espèce. Et Dieu vit que cela était bon, et il les bénit, disant : croissez et multipliez-vous ; remplissez les eaux dans les mers et que les oiseaux se multiplient sur la terre. Et le soir se fit, et au matin s’accomplit le cinquième jour. » Ainsi, ce sont maintenant les êtres vivants qui se produisent dans la région inférieure du monde, et d’abord dans les eaux, l’élément qui a le plus d’affinité avec l’air : car, l’air est si voisin du ciel où brillent les luminaires, qu’on lui donne souvent le nom de ciel ; je ne sais toutefois si on pourrait le nommer firmament. Quant au mot cieux, il désigne au pluriel la même chose que ciel au singulier : car, si le mot ciel, dans la Genèse, signifie l’espace qui sépare les eaux supérieures d’avec les eaux inférieures, le Psalmiste n’entend pas autre chose quand il dit : « Que les eaux suspendues au-dessus des cieux louent le nom du Seigneur. » Les cieux des cieux distinguent dans l’espace le ciel étoilé du ciel aérien, l’un au-dessus, l’autre au-dessous, et on retrouve ce sens dans le même Psaume : « Louez-le, cieux des cieux[2]. » Il est donc évident que l’air est souvent synonyme de ciel et de cieux. C’est ainsi qu’en latin le mot terra s’emploie dans le même sens au singulier et au pluriel et qu’on dit également orbemterrarum, orbemterrae.

CHAPITRE II. LES CIEUX PRIMITIFS ONT ÉTÉ ABÎMÉS DANS LES EAUX DU DÉLUGE ET L’AIR S’EST TRANSFORMÉ EN EAU.


2. Nous lisons dans une des Epîtres appelées Canoniques, que les cieux aériens ont disparu dans le Déluge[3]. En effet la masse d’eau qui, d’après la Genèse, dépassa de quinze coudées le sommet des plus hautes montagnes, ne put monter jusqu’aux astres. Au contraire, l’espace où l’air est plus dense et où volent les oiseaux, ayant été en toutou en partie envahi par les eaux, les cieux d’alors périrent, comme on le dit dans cette Epître. La seule manière, selon moi, d’entendre cette disparition des cieux, est d’admettre que l’air y changea de nature et se transforma en ces vapeurs qui ont tant d’affinité avec l’eau autrement, loin d’avoir disparu, ils auraient été transportés plus haut, lorsque les flots envahirent leur domaine. D’après cela nous pourrons, conformément à l’autorité de cette Epître, croire que les cieux d’alors ont péri, en se réduisant en subtiles vapeurs, et que d’autres les ont remplacés[4]; plus aisément que d’admettre l’hypothèse où le ciel aérien aurait reculé, en empiétant sur l’espace assigné au ciel étoilé.
3. L’ordre exigeait donc que, dans la création des êtres destinés à peupler les régions inférieures de l’univers, si souvent comprises sous l’expression générale de terre, les animaux fussent tirés de l’eau, d’abord, de la terre, ensuite. L’air, en

  1. Gen. 1, 20-31
  2. Ps. 148, 4-5
  3. 2 Pi. 3, 6
  4. Id. 5, 7