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Elle appelle, temps, non une durée quelconque, mais celle qui se règle sur le cours des astres et les mouvements périodiques du ciel. Supposons en effet qu’il ait existé un mouvement, soit physique soit intellectuel, antérieur à la disposition des astres dans le ciel, et que, par la pensée, ce mouvement ait été transporté de l’avenir dans le passé à travers le présent cet acte est impossible en dehors du temps ; et comment prouver qu’un tel acte ne se soit produit qu’à dater de la création des astres ? Quant aux divisions si connues du temps en heures, jours, années, elles ont nécessairement pour origine les mouvements des astres. En effet qu’entendons-nous par temps, par jours et par années ? Le temps n’est pour nous que certaines divisions dans l’espace, marquées sur les cadrans ou sur la voûte du ciel ; où le soleil s’élève de l’orient, atteint le méridien et s’abaisse vers l’occident ; où on observe ensuite soit la lune soit une étoile monter à l’horizon après le coucher du soleil, au point culminant de son cours marquer minuit, et se coucher, avec le lever du soleil, pour marquer le matin. Le jour mesure la révolution totale du soleil d’orient en occident. Quant à l’année, elle comprend la révolution circulaire qui ramène le soleil, non à l’orient, comme chaque jour, mais au même point du ciel par rapport aux autres astres : cette révolution s’achève en 365 jours 6 heures ou le quart d’un jour, celui, au bout de quatre ans, produit un jour intercalaire, appelé bissextile dans l’année Romaine, afin de faire concorder le calendrier avec la marche du soleil. On nomme aussi années des cycles plus longs et moins connus : une grande année commence au retour de tous les astres au même point du ciel. Si donc nous entendons dans ce sens le temps, les jours et les années, il est incontestable qu’ils sont déterminés par les mouvements des astres et des grands luminaires, car on ne saurait trop décider si dans ces paroles de l’Écriture. : « Qu’ils servent de signes et marquent les temps, les jours et les années » les jours et les années ont rapport au soleil, les temps et les signes, au reste des astres.

CHAPITRE XV. DE LA LUNE.


30. Sous quelle forme a été créée la lune ? Voilà une question qui a provoqué un flux de questions intarissable, et plût au ciel qu’on se fut borné à examiner sans chercher à convaincre ! Les uns veulent, en effet, que la lune ait été créée dans son plein, par la raison qu’un ouvrage inachevé aurait été indigne de Dieu, en ce jour où il fit les astres, selon les termes de l’Écriture. A ce compte, répondent les autres, il aurait fallu dire la nouvelle luné, et non la lune âgée de quatorze jours. Qu’est-ce que ce calendrier à rebours ? Pour, moi je reste neutre ; tout ce que j’affirme, c’est que Dieu a créé la lune sous une forme achevée, quelle qu’en ait été alors la phase. En effet Dieu crée à la fois le fond et la forme. Or quel que soit le développement qu’un être acquiert successivement, il en contient le principe au moins dans l’activité de sa nature. Trouverait-on qu’un arbre est incomplet, parce qu’il n’a l’hiver ni feuillage ni fruits ? Dirait-on qu’il lui manque les germes essentiels, parce qu’il n’a encore rien produit ? Non assurément : l’arbre, les germes même recèlent d’une manière invisible ce que le temps doit développer en eux. Cependant, si l’on se bornait à dire que Dieu a laissé une œuvre imparfaite pour l’achever ensuite, cette pensée ne serait pas condamnable ; elle ne choquerait qu’autant que l’on voudrait soutenir qu’une œuvre inachevée de Dieu a reçu d’ailleurs sa perfection définitive.
31. On ne s’étonne pas que la terre, invisible, sans ordre, quand Dieu créa au commencement le ciel et la terre, apparaisse et s’organise le troisième jour ; pourquoi donc entasser sur la lune comme un nuage de questions ? J’ai dit, à propos de la terre, qu’entre la création du fond et de la forme il n’y avait eu aucun intervalle, et que cette distinction était faite pour la commodité du récit. Approuve-t-on cette pensée ? Pourquoi alors ne pas voir de ses propres yeux, comme il est si facile de le faire, que la lune est un globe complet, d’une parfaite rotondité, même sous la forme d’un croissant, au commencement comme à la fin de son cours ? Sa lumière vient-elle d’un feu qui s’augmente, brille dans toute sa force et diminue ? Ce n’est pas le luminaire, mais le feu qui subit ces alternatives. Conserve-t-elle une faible portion de son disque perpétuellement éclairée ? Pendant qu’elle présente cette face à la terre, jusqu’au moment où s’achève sa conversion totale, ce qui a lieu au bout de 14 jours, elle s’accroît en apparence, en réalité elle est toujours dans son plein ; seulement sa grandeur, vue de la terre, n’est pas toujours égale. Emprunte-t-elle