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CHAPITRE XI. RÔLE DU SOLEIL. NOUVELLE DIFFICULTÉ DANS L’HYPOTHÈSE PRÉCÉDENTE.


23. Dans quel but a donc été créé le soleil, le roi du jour[1], le flambeau de la terre, si, pour produire le jour, il suffit de la lumière, désignée aussi sous le nom de jour ? Éclairait-elle d’abord les régions supérieures ? La terre était-elle trop éloignée pour sentir ses effets, et le soleil devint-il nécessaire pour communiquer aux régions inférieures de l’univers le bienfait du jour ? On pourrait encore avancer que l’éclat du jour s’accrut par le rayonnement du soleil, et voir dans la lumière an jour moins vif que celui d’aujourd’hui sans qu’un auteur a prétendu que la lumière fut l’agent primitif, introduit par le Créateur dans son œuvre, quand il fut dit : « Que la lumière soit et la lumière fut » mais que l’emploi de la lumière ne fut réglé qu’au moment où apparurent les luminaires, dans l’ordre des jours qu’il plut à Dieu d’adopter pour composer ses œuvres. Mais que devint la lumière, quand survint le soir, pour faire régner la nuit à son tour ? C’est ce qu’il ne dit pas, et c’est un secret, selon moi, difficile à pénétrer. On ne saurait croire, en effet, que la lumière s’éteignit, pour faire place aux ténèbres de la nuit, et qu’elle se raviva, pour donner naissance au matin, avant que le soleil servit à accomplir cette révolution car le rôle du soleil ne commence, selon l’Écriture, qu’au quatrième jour.

CHAPITRE XII. NOUVELLE DIFFICULTÉ QUE PRÉSENTE LA SUCCESSION DES TROIS JOURS ET DES TROIS NUITS QUI PRÉCÉDÈRENT LA CRÉATION DU SOLEIL. COMMENT LES EAUX SE RASSEMBLÈRENT-ELLES ?


24. Mais en vertu de quelle révolution s’est effectué, avant la création du soleil, le retour alternatif de trois jours et de trois nuits, sans que la lumière, à ne voir dans ce mot qu’un phénomène physique, ait changé de nature ? C’est un problème difficile à résoudre. On pourrait dire peut-être que Dieu nomma ténèbres la masse formée par la terre et les eaux, avant leur séparation, qui n’eut lieu que le troisième jour, soit que cette matière épaisse fût impénétrable à la lumière, soit qu’une masse aussi considérable, dut rester dans l’ombre, comme il arrive pour les corps dont une face seule est éclairée. Dans un corps quelconque, en effet, tout côté où la lumière ne peut pénétrer, reste dans l’ombre, puisqu’on appelle ombre, la face d’un corps inaccessible à la lumière qui s’y répandrait, si elle ne rencontrait pas une matière opaque. Admettons que cette ombre soit proportionnée à l’étendue de la terre et y couvre une surface égale à celle qu’éclaire le jour, la nuit s’explique. Les ténèbres en effet ne supposent pas toujours la nuit. Dans une immense caverne dont la lumière ne peut percer les profondeurs, à cause de la masse qui s’oppose à son passage, il y a assurément des ténèbres, car la lumière en est absente et n’en éclaire aucune partie ; cependant les ténèbres de cette sorte n’ont jamais été appelées nuit : ce terme est réservé à l’obscurité qui se répand sur une partie du globe, quand le jour l’abandonne. De même toute espèce de lumière ne mérite pas le nom de jour, par exemple, celle que promettent la lune, les étoiles, les flambeaux, les éclairs, et en général tout corps brillant : elle ne s’appelle jour qu’autant qu’elle succède périodiquement à la nuit.
25. Cependant, si la lumière primitive, immobile ou animée d’un mouvement de rotation, enveloppait la terre de tous côtés, on ne voit plus en quel endroit elle pouvait admettre la nuit à sa place : car elle ne quittait jamais un lieu pour se retirer devant la nuit. N’avait-elle été créée que dans un hémisphère, et, en décrivant son tour, permettait-elle à la nuit de décrire le sien dans l’autre hémisphère ? Dans ce cas, comme la terre était en ce moment couverte par les eaux, ce globe liquide pouvait sans obstacle produire, d’un côté, le jour, grâce à la présence de la lumière, de l’autre, la nuit, grâce à la disparition de la lumière : la nuit régnait depuis le soir dans un hémisphère, tandis que la lumière se dirigeait dans l’autre.
26.Maintenant, où se rassemblèrent les eaux, s’il est vrai qu’elles étaient auparavant répandues sur toute la, surface de la terre ? En quel endroit, dis-je, se rassemblèrent les eaux qui furent écartées pour faire paraître la terre ? S’il existait sur le globe quelque lieu sec où les eaux pussent s’amasser, le sol était déjà découvert et l’abîme n’en couvrait pas toute la surface. Si elles la couvraient tout entière, quel peut être

  1. Ps. 136, 8