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et se développent dans un milieu liquide ; soit qu’il ait représenté par ce terme les fluctuations, pour ainsi dire, de la vie intellectuelle, avant qu’elle se fût attachée à sa fin ; il est incontestable que l’Esprit de Dieu était répandu sur les choses, car les éléments que Dieu avait créés au début pour en faire des œuvres parfaites, étaient comme sous la main de sa bienveillance, et, Dieu ayant dit par son Verbe : « Fiat lux » tous les êtres devaient être maintenus, chacun selon son mode d’existence, dans sa faveur et dans ses généreux desseins aussi tout est bien dans ce qui a plu à Dieu, selon ce témoignage de l’Écriture : « Et la lumière fut, et Dieu vit que la lumière était bonne. »

CHAPITRE VI. LA TRINITÉ APPARAÎT DANS LA CRÉATION PRIMITIVE COMME DANS LE DÉVELOPPEMENT DES ÊTRES.


12. Au début même de cette création ébauchée qui, du nom des œuvres destinées à en sortir, a été appelée ciel et terre, on voit apparaître la triple personne du Créateur. Dans les paroles de l’Écriture : « Au commencement Dieu fit le ciel et la terre » on reconnaît le Père dans le mot Dieu et le Fils dans le mot commencement ; le Fils en effet quoiqu’il n’ait pas produit le Père est le principe des êtres, surtout des êtres spirituels primitivement créés par sa puissance, et par conséquent de toute la nature. En ajoutant : « L’Esprit de Dieu était porté sur les eaux » l’Écriture complète l’énumération des personnes divines. On reconnaît également la Trinité dans le mouvement qui perfectionne et ordonne la création, en y établissant les espèces ; le Verbe de Dieu et son Père apparaissent dans les expressions : « Dieu dit » la Bonté divine éclate dans la satisfaction que fait éprouver à Dieu la perfection relative des êtres selon leur nature « et Dieu vit que c’était bien. »

CHAPITRE VII. POURQUOI DIT-ON. QUEL ESPRIT DE DIEU ÉTAIT PORTÉ SUR LES EAUX.


13. Mais pourquoi parle-t-on de la création, quoique imparfaite, avant de citer l’intervention de l’Esprit de Dieu ? L’Écriture en effet dit d’abord : « La terre était invisible et sans ordre, et les ténèbres étaient sur l’abîme » puis elle ajoute « Et l’Esprit de Dieu était porté sur les eaux. » Comme l’amour qui naît de la privation et du besoin s’attache avec tant de force à son objet qu’il lui est entièrement soumis, n’aurait-on pas dit du Saint-Esprit, expression de la bonté et de l’amour divins, qu’il était.portésur les eaux, pour montrer que, si Dieu aime ses ouvrages, ce n’est point par besoin, mais par excès de bienveillance ? Fidèle à cette pensée, l’Apôtre, avant de parler de la Charité, dit qu’il va nous montrer la voie la plus élevée ; et ailleurs, il rappelle que l’amour de Jésus-Christ surpasse toute science[1]. Avant donc que de montrer l’intervention souveraine de l’Esprit-Saint, il valait mieux parler de l’œuvre primitive sur laquelle il devait être porté : il la dominait, en effet, non comme d’un lieu plus élevé, mais par l’effet de sa puissance souveraine et supérieure à tout.

CHAPITRE VIII. L’AMOUR DE DIEU EST LA CAUSE QUI FAIT NAÎTRE ET SUBSISTER LES CRÉATURES.


14. Lorsque des éléments primitifs furent sortis les êtres accomplis et tout formés, « Dieu vit « que tout était bien » son œuvre lui plut en vertu de la bonté même qui l’avait engagé à la créer. Dieu en effet aime sa créature à deux titres : il veut qu’elle reçoive et qu’elle conserve l’existence. Ainsi, quand « l’Esprit de Dieu était porté sur les eaux » c’était pour communiquer cette existence ; et, quand « Dieu vit que tout était bien » c’était pour en rendre le bienfait durable. Or, ce qui a été dit de la lumière, l’a été aussi du reste de la création. Parmi les êtres, en effet, il en est qui sont en dehors de toutes les révolutions de la durée et qui, sous la souveraineté de Dieu, conservent le privilège sublime de la plus haute sainteté.lesautres vivent dans les limites assignées à leur existence, et leur durée, qui tour-à-tour s’épuise et se renouvelle, forme la trame des siècles.

CHAPITRE IX. LA PAROLE DIVINE. « FIAT LUX » A-T-ELLE ÉTÉ PRONONCÉE DANS LE TEMPS OU EN DEHORS DU TEMPS ?


15. Quant à la parole : « Que la lumière soit et la lumière fut » est-ce un jour, est-ce avant la naissance des jours qu’elle fut prononcée ? Si Dieu l’a fait entendre dans son Verbe coéternel, elle

  1. Ephes. 3, 19