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LIVRE PREMIER.


dis-moi combien font 2 fois 2 ? — L’É. 4. — Le M. Ainsi le milieu est en rapport avec les extrêmes et les extrêmes avec le milieu. Donc s’il est dans l’ordre que 3 vienne après 1 et 2 dont il est formé, il n’est pas moins beau que 4 vienne après 1, 2, 3, puisqu’il est formé de 1 et de 3 ou de 2 multiplié par lui-même : voilà le rapport[1] dans lequel se montre l’accord des extrêmes avec le milieu, du milieu avec les extrêmes. Dis-moi si tu me comprends ? — L’É. Je saisis parfaitement.

25. Le M. Cherche maintenant, si tu trouveras dans les autres nombres ce que nous avons appelé la propriété spéciale du quaternaire. — L’É. Je vais essayer : Si nous posons 2, 3, 4, les extrêmes réunis forment le nombre 6, et le milieu ajouté à lui-même produit le même nombre. Et cependant ce n’est pas 6 mais 5 qui vient immédiatement. Je pose de nouveau 3, 4, 5 : les deux extrêmes font 8 et le milieu répété 2 fois donne le même nombre ; or entre 5 et 8 il y a deux nombres intermédiaires, 6 et 7, au lieu d’un : plus j’avance plus les intervalles augmentent. — Le M. Je vois que tu as compris et que tu possèdes à fond la théorie qui vient d’être exposée. Pour ne plus nous arrêter longuement, tu remarques sans doute que de 1 à 4 la progression est très-exacte, soit à cause du nombre pair et du nombre impair ; le premier nombre impair entier étant 3 et le premier nombre pair entier étant 4, comme nous l’avons démontré ; soit parce que 1 et 2 renferment le principe, et pour ainsi dire le germe d’où sort le nombre 3, ce qui constitue les trois nombres primordiaux : de ces nombres, mis en rapport, découle le nombre 4, qui s’y rattache par un lien légitime ; c’est ainsi qu’apparaît cette progression régulière que nous cherchons. — L’É. Je comprends.

26. Le M. Fort bien. Mais te rappelles-tu quel était l’objet de nos investigations ? Notre but, je crois, était de trouver, s’il était possible, pourquoi, en établissant des séries dans la suite indéfinie des nombres, on avait limité la première série au nombre 10, qui sert comme d’appui à tant d’autres ; en d’autres termes, pourquoi, en comptant de 1 à 10, on redescendait de 10 à 1. — L’É. Je me rappelle parfaitement que c’est en vue de cette question que nous avons fait tous ces détours : mais avons-nous réussi à la résoudre ? C’est ce que je ne vois pas. Notre raisonnement en effet se borne à constater qu’il existe une progression régulière et légitime non jusqu’à 10, mais jusqu’à 4. — Le M. Tu ne vois donc pas quelle somme on forme de 1, 2, 3, 4 ? — L’É. Je vois, je vois, mais non sans surprise : oui, la question est résolue ; car, 1, 2, 3, 4, ajoutés ensemble font 10. — Le M. À ce titre les quatre premiers nombres, leur suite et leur rapport, doivent tenir le rang le plus élevé dans le système de la numération.


CHAPITRE XIII.

DU CHARME DES MOUVEMENTS PROPORTIONNÉS, EN TANT QU’IL EST APPRÉCIÉ PAR
L’OREILLE.

27. Le M. Il est temps de revenir à l’examen approfondi de ces mouvements qui forment l’objet de la science dont nous nous occupons, et qui nous ont entraînés, selon les exigences de la question, à toutes ces considérations sur une science étrangère, l’arithmétique. Pour mettre plus de clarté dans notre discussion, nous avions supposé, dans un espace d’heures déterminé, des mouvements exprimés par un rapport numérique que nous indiquait le raisonnement ; réponds-moi maintenant dans cette hypothèse : si un homme courait l’espace d’une heure, et un autre, l’espace de deux, pourrais-tu, sans horloge ni clepsydre, ni toute autre espèce de chronomètre, apprécier ces deux mouvements dont l’un est simple et l’autre double, ou, si tu en étais incapable, pourrais-tu trouver du moins un certain agrément dans ce rapport et en éprouver quelque plaisir ? — L’É. Cela m’est impossible. — Le M. Eh bien ! si on battait la mesure de façon qu’un battement dure un temps, et l’autre, deux, ce qui serait un iambe, et que l’on continuât ainsi, tandis qu’une personne exécuterait une danse d’après cette mesure et suivrait ces mouvements ; ne pourrais-tu signaler le caractère de cette mesure, je veux dire, la succession alternative d’un temps et de deux temps, soit dans le battement de la mesure, soit dans la danse qui frappe les yeux ? Au moins ne trouverais-tu pas quelque plaisir dans cette harmonie que tes sens percevraient, tout en étant incapable de désigner le rapport numérique qui représente cette mesure ? — L’É. Tu dis vrai ; car, ceux qui connaissent les rapports numériques, les sentent dans la musique et dans la danse, et les expriment aisément ;

  1. En grec : ἀναλογία