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et quand on doit, à qui doit-on sinon à celui de qui on a reçu avec obligation de rendre ? A qui renvoie-t-on, si ce n’est à qui avait envoyé ? et quand on restitue à des héritiers légitimes, n’est-ce pas en quelque sorte aux créanciers mêmes dont ils sont de droit les successeurs ? Autrement ce serait une cession, un don ou toute autre chose semblable. De là il suit qu’on ne peut dire, sans la plus grande absurdité, que les choses temporelles ne devraient pas finir. Telle est, en effet, la place qu’elles occupent dans l’ordre universel, que si elles ne disparaissent, l’avenir ne saurait succéder au passé, ni la beauté des siècles se développer comme elle le doit. Et ne font-elles pas ce qu’elles doivent ? ne rendent-elles pas ce qu’elles ont reçu à Celui qui leur a donné d’être ce qu’elles sont ? Quiconque en effet, se plaint de leur défaillance peut étudier simplement- le langage qui exprime sa plainte ; si juste et si prudent qu’il lui paraisse, qu’il l’examine sous le rapport des sons qu’il produit ; et s’il s’attache de préférence à une syllabe, s’il ne veut point la laisser passer pour faire place aux autres dont la suite et la succession doivent former la trame du discours, de quelle étrange démence ne méritera-t-il pas d’être accusé ? 43. Par conséquent, lorsqu’il s’agit des choses qui viennent à défaillir parce qu’il ne, leur a pas été donné d’exister plus longtemps, et cela afin que tout vienne à son époque, on aurait tort de les blâmer. Nul en effet, ne peut dire qu’elles auraient dû rester, puisqu’elles ne pouvaient dépasser le moment fixé. Mais quand il s’agit des créatures raisonnables lesquelles, fidèles ou infidèles ; sont comme le magnifique couronnement de la beauté de l’univers, que dire ? Qu’il n’y a en elle aucun péché ? Quelle absurdité, puisqu’il y a au moins péché dans celui qui condamne comme péché ce qui ne l’est pas ! Que leurs péchés. ne méritent pas le blâme ? Ce serait également absurde. Dès lors, en effet, on ne louera plus les belles actions, et ce sera rompre le nerf de l’âme humaine, tout bouleverser dans la vie. Qu’on doit blâmer ce qui a été fait comme il devait l’être ? Mais ce serait une exécrable démence, ou bien, pour user de termes plus doux, l’erreur la plus malheureuse. Si donc, comme il est vrai, la raison même oblige de condamner tout ce qui est péché, et de le condamner précisément parce qu’il n’est pas ce qu’il doit être, cherche ce que doit la nature qui pèche et tu découvriras qu’elle doit bien faire ; examine à qui elle doit, et tu trouveras que c’est à Dieu. Car si Dieu lui adonné de pouvoir faire le bien quand elle veut, il lui a donné aussi d’être malheureuse en ne le faisant pas et heureuse en le faisant. 44. Personne en effet ne triomphe des lois du Tout-Puissant, et l’âme ne peut s’exempter de payer ce qu’elle lui doit. Car elle paye en faisant un bon usage de ce qu’elle a reçu, ou en perdant ce qu’elle a refusé de bien employer. Si donc elle ne s’acquitte pas en accomplissant la justice, elle s’acquittera en souffrant la misère. Ces deux mots en effet réveillent l’idée de dette, et l’on pouvait exprimer la même pensée en disant : Si elle ne paye pas en faisant ce qu’elle doit, elle payera en le souffrant. Mais qu’on ne soupçonne ici aucun intervalle de temps ; qu’on ne voie pas le coupable omettant aujourd’hui de faire ce qu’il doit, et souffrant demain ce qu’il mérite. Le désordre ne saurait troubler un seul instant l’ordre universel, il faut que la vengeance suive la faute sans délai, et le jugement futur manifestera seulement, et rendra plus douloureuses les secrètes punitions qui s’exercent maintenant. De même en effet gué ne pas veiller c’est dormir ; ainsi quiconque ne fait pas ce qu’il doit, souffre immédiatement ce qu’il mérite ; car telle est la béatitude comprise dans la justice qu’on ne peut la, quitter sans se plonger dans la misère. Voici donc le résumé de ce qui vient d’être dit sur toute espèce de défaut. Quand les choses temporelles qui finissent n’ont pas reçu une plus longue existence, il n’y a pas faute ; il n’y en a pas non plus, quand en existant sales n’ont pas reçu plus d’être quelles n’en ont : mais quand elles refusent d’être ce qu’elles pourraient être en le voulant ; comme c’est un bien, elles sont coupables en les refusant.



CHAPITRE XVI. ON NE PEUT FAIRE RETOMBER NOS PÉCHÉS SUR DIEU.

45. Dieu ne doit rien à personne, puisqu’il donne tout gratuitement ; et si quelqu’un assure qu’il est dû quelque chose à ses mérites, il est une chose certaine, c’est que l’existence