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LIVRE DEUXIÈME.

Argument : Objection tirée de ce que la liberté de pécher nous a été donnée par Dieu. — Trois questions : comment prouver l’existence de Dieu ? — Tous les biens viennent-ils de Dieu ? La volonté est-elle libre en faisant le bien ?


CHAPITRE PREMIER. POURQUOI DIEU NOUS A DONNÉ LA LIBERTÉ DE PÉCHER.

1. E. Explique-moi maintenant, si cela est possible, pourquoi Dieu a donné à l’homme le libre arbitre de la volonté, sans lequel il ne pourrait certainement pécher, s’il ne l’avait reçu. — A. Mais d’abord, as-tu la connaissance, et la certitude que Dieu ait donné à l’homme une chose que, d’après toi, il n’aurait pas dû lui donner ? — E. Autant que j’ai pu le comprendre dans le livre précédent, d’un côté nous avons le libre arbitre de la volonté, et de l’autre c’est par lui seul que nous commettons le péché. — A. Moi aussi, je me rappelle que ces conclusions nous sont acquises ; mais voici ce que je te demande actuellement : Es-tu sûr que c’est Dieu qui nous adonné ce libre arbitre que nous avons indubitablement et par lequel il est évident que nous péchons ? — E. Ce n’est personne autre, je pense ; car c’est de lui que nous avons l’être ; et soit que nous péchions, soit que nous agissions avec droiture, c’est de lui que nous méritons le châtiment ou la récompense. — A. Mais ce dernier point encore, le comprends-tu clairement ? ou bien est-ce l’argument d’autorité qui te touche et qui te le fait croire volontiers, même sans le comprendre ? voilà ce que je voudrais savoir. — E. J’avoue que j’ai cru d’abord à l’autorité sur ce point. Mais quoi de plus vrai que tout ce qui est bien vient de Dieu, que tout ce qui est juste est bien, et qu’il est juste que les pécheurs soient punis et ceux qui agissent avec droiture, récompensés ? D’où il résulte que c’est Dieu qui distribue aux pécheurs la misère et aux bons la béatitude. 2. A. Je ne conteste pas ; mais je t’interroge sur cet autre point : comment connais-tu que c’est de lui que nous avons l’être ? Car ce n’est pas cela que tu viens d’expliquer ; mais tu as montré que c’est de lui que nous méritons de recevoir le châtiment ou la récompense. — E. Ce que tu me demandes, m’est évident précisément parce qu’il est certain que Dieu punit les péchés. Car, toute justice vient de lui. En effet, si la bonté peut distribuer des bienfaits à des étrangers, ce n’est pas dans des étrangers que la justice punit le mal. Il est donc évident que nous lui appartenons, puisque non-seulement il est souverainement bon envers nous par ses bienfaits, mais aussi souverainement juste par ses châtiments. En outre, j’ai établi et tu m’as accordé que tout bien vient de Dieu. De là, il est facile encore de comprendre que l’homme vient de Dieu ; car l’homme lui-même, en tant qu’il est homme, est quelque chose de bien, puisqu’il peut vivre avec droiture quand il le veut (1). 3. A. Vraiment, s’il en est ainsi, la question que tu as proposée est résolue. Car si l’homme est quelque chose de bien, et s’il ne lui est pas possible d’agir avec droiture sans qu’il le veuille, il a dû, pour agir avec droiture, avoir une volonté libre. En effet, de ce qu’il pèche aussi par cette volonté, il ne faut pas croire

1. Rét. liv. I, ch. IX, n. 3.