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de province dans un village ? Si vous comparez les personnes, vous êtes propriétaire, lui est empereur ; si vous comparez les lieux, vous êtes le maître d’un fonds de terre, il est le maître d’un royaume ; si vous comparez les causes, lui veut que la division cesse, vous voulez, vous, que l’unité soit divisée. Mais ce n’est pas de l’homme que nous voulons vous faire peur, car nous pourrions vous obliger à payer dix livres d’or, conformément aux ordres de l’empereur. Diriez-vous qu’il vous est impossible de payer ce à quoi sont condamnés les rebaptiseurs, car vous dépensez beaucoup pour acheter ceux que vous rebaptisez ? Mais, je vous l’ai fait observer, ce n’est pas de l’homme que nous voulons vous faire peur ; que le Christ plutôt vous épouvante. Je voudrais savoir ce que vous lui répondriez, s’il vous disait : « Crispin, tu as payé cher pour acheter « la peur des gens de Mappale, et n’est-elle d’aucun prix, ma mort, pour acheter l’amour de toutes les nations ? est-ce que ce que tu as compté de ton sac pour rebaptiser tes paysans vaut plus que ce qui a coulé de mon côté pour baptiser mes peuples ? » Je sais que vous entendrez beaucoup de choses si vous prêtez l’oreille au Christ, et que votre héritage même vous avertira de l’impiété de vos discours contre le Christ. Car, si par le droit humain, vous vous croyez le solide possesseur de ce que vous avez acheté avec votre argent, combien plus le Christ possède-t-il, par le droit divin, ce qu’il a acheté avec son sang ! Oui, il possédera fermement tout ce qu’il a acheté, celui dont il est dit : « Il dominera d’une mer à l’autre, et depuis le fleuve jusqu’aux extrémités de la terre[1]. » Mais comment espérez-vous ne pas perdre ce que vous croyez avoir acheté en Afrique, vous qui dites que le Christ, après avoir perdu le monde entier, est réduit à l’Afrique seule ?

2. Quoi de plus ? si c’est de leur propre mouvement que les gens de Mappale ont passé dans votre communion, qu’ils nous entendent tous les deux ; on écrira ce que nous dirons, nous le signerons, on le traduira en langue punique, et les Mappaliens, délivrés de toute contrainte, feront librement leur choix. D’après ce que nous dirons, on verra si c’est la compression qui les retient dans l’erreur, ou si c’est de leur pleine volonté qu’ils ont embrassé la vérité. Et s’ils ne comprennent pas ces choses, par quelle témérité avez-vous fait changer de foi religieuse à des gens qui ne comprennent pas ? et s’ils comprennent, qu’ils nous entendent tous les deux, comme je l’ai déjà dit, et qu’ils fassent ce qu’ils voudront. Et si vous pensez que l’autorité des maîtres ait forcé ceux des vôtres qui sont revenus à nous, faisons à leur égard la même chose qu’ils nous entendent tous les deux, et qu’ils choisissent ensuite le parti qui leur plaira. Si vous refusez ce que je vous propose, qui pourra ne pas reconnaître que vous ne vous croyez pas sûr d’avoir avec vous la vérité ? mais prenez garde à la colère de Dieu, ici et dans la vie future. Je vous adjure par le Christ de me répondre.

LETTRE LXVII.

(Année 492.)

Saint Augustin assure à saint Jérôme qu’il n’est pas vrai qu’il ait écrit un livre contre lui, comme on l’en a accusé. — Vif et affectueux désir d’obtenir quelque chose du solitaire de Bethléem.

AUGUSTIN À SON TRÈS-CHER ET TRÈS-DÉSIRÉ SEIGNEUR JÉRÔME, SON TRÈS-HONORABLE FRÈRE EN JÉSUS-CHRIST ET SON COLLÈGUE DANS LE SACERDOCE, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. J’ai su que ma lettre vous était parvenue ; jusqu’ici je n’ai pas mérité que vous y ayez répondu, mais je ne l’impute pas à votre charité : quelque chose sans doute vous en a empêché. Je dois plutôt reconnaître qu’il faut que je prie le Seigneur de donner à votre bonne volonté le moyen de m’envoyer ce que vous m’avez écrit, car le moyen de m’écrire, il vous l’a déjà donné : vous n’avez qu’à vouloir pour faire aisément.

2. On m’a rapporté une chose que j’hésite à croire, mais dont je n’hésite pas à vous parler il vous aurait été dit, dernièrement, par je ne sais quels frères, que j’ai écrit un livre contre vous, et que je l’ai envoyé à Rome. Sachez que cela est faux ; je prends notre Dieu à témoin que je n’ai rien fait de pareil. Si, par hasard, on trouve dans quelques-uns de mes écrits quelque chose de contraire à vos sentiments, vous devez savoir que cela n’a pas été dit contre vous, mais que j’ai tout simplement écrit ce qui m’a semblé bon ; si vous ne pouvez le savoir, vous devez le croire. En vous parlant de la sorte, non-seulement je suis

  1. Ps. LXXI, 8