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nous reproche d’emprunter aux cieux des comparaisons pour figurer mystiquement des sacrements, les augures doivent nous reprocher ces mots de l’Évangile : « Soyez simples comme des colombes, » et les magiciens ou enchanteurs, ceux-ci : « Soyez prudents comme des serpents[1] ; » les joueurs d’instruments devraient aussi trouver à redire qu’il soit question de la harpe dans les psaumes. Et, parce que de ces choses nous tirons des comparaisons pour expliquer les mystères de la parole de Dieu, qu’ils disent, si cela leur plaît, que nous interrogeons le vol des oiseaux, ou que nous préparons des poisons, ou que nous courons après les plaisirs impurs du théâtre : ce sera de la dernière folie.

43. Nous ne cherchons donc pas dans le cours du soleil et de la lune, dans les révolutions de l’année ou des mois, ce qui doit nous arriver ; ce serait dans les périlleuses tempêtes de la vie humaine, nous briser comme sur les écueils d’une misérable servitude, et causer le naufrage de notre libre arbitre ; mais nous en prenons, avec une piété profonde, des comparaisons propres à l’expression des vérités saintes. Ainsi toutes les autres créatures, les vents, la mer, la terre, les oiseaux, les poissons, les bêtes, les arbres, les hommes, servent souvent à imager et à varier le discours, mais leur emploi est très-peu considérable pour la célébration des sacrements : grâce à la liberté chrétienne, c’est de l’eau, du froment, du vin, de l’huile. Dans la servitude du peuple de l’antique alliance, au contraire, il y avait bien des prescriptions que le christianisme ne nous présente plus que pour nous les faire comprendre. Nous n’observons ni les jours, ni les mois, ni les années, ni les temps, de peur que l’Apôtre ne nous dise : « J’appréhende, pour vous, que je n’aie peut-être travaillé en vain parmi vous[2]. » Car il blâme ceux qui disent : « Je ne partirai pas aujourd’hui, parce que c’est un jour malheureux, ou parce que la lune est de telle manière ; ou bien ; je partirai, pour réussir dans mes affaires, parce que telle est la position des astres. Je ne ferai aucun commerce ce mois-ci, parce que tel astre le gouverne ; ou bien, je ferai du commerce, parce que tel astre préside au mois. Je ne planterai pas de vigne cette année, parce qu’elle est bissextile. » Mais nul homme sage ne songera à reprendre ceux qui observent les temps et qui disent : « Je ne partirai pas aujourd’hui, parce que la tempête s’est levée ; ou bien, je ne me mettrai pas en mer, parce que nous avons encore un reste d’hiver ; ou bien, il est temps de semer, parce que la terre est abreuvée des pluies de l’automne. » On ne condamnerait pas non plus ceux qui auraient découvert, dans le cours si régulier des astres, les influences sur l’atmosphère qui produisent les variations des temps ; car il a été dit, à la création de ces astres : « Et qu’ils servent de signes pour marquer les temps et les saisons, les jours et les années[3]. » Et si pour l’administration des sacrements, des similitudes sont prises, non-seulement dans le ciel et dans les astres, mais encore dans les créatures inférieures, c’est par une certaine éloquence des livres saints : cette éloquence, propre à toucher ceux qui apprennent, les fait passer du visible à l’invisible, du corporel au spirituel, du temps à l’éternité.

14. Nul d’entre nous ne prend garde, quand nous célébrons la Pâque, si le soleil est dans le Bélier, comme les astronomes appellent cet endroit du ciel où le soleil se trouve dans le mois du renouvellement ; mais qu’ils l’appellent du nom de Bélier nu de tout autre nom, nous avons appris, nous, des saintes Écritures, que Dieu a créé tous les astres et leur a assigné, dans les cieux, la place qu’il a voulu ; et en quelques parties que les astronomes aient divisé le ciel, où les astres font la distinction et l’ordre, quels que soient les noms qu’ils leur aient donnés, n’importe où soit le soleil dans le mois du renouvellement, la célébration de la pâque s’y trouvera, à cause de la similitude du sacrement qui renouvelle la vie, dont nous avons assez parlé plus haut. Si cet endroit du ciel se nommait Bélier par quelque ressemblance de figure, la divine Écriture ne craindrait pas pour cela d’en tirer une signification religieuse, comme elle l’a fait d’autres choses célestes et terrestres : ainsi Orion et les Pléiades, le mont Sinaï et le mont Sion, les fleuves appelés Géon, Phison, Tigre, Euphrate, et le Jourdain tant de fois nommé dans les saints mystères, servent souvent à expliquer les secrets divins par des comparaisons sacrées.

15. Quine comprendrait la différence entre les observations du ciel, que font les laboureurs et les marins, pour connaître les variations de l’atmosphère ; les pilotes et les voyageurs, pour

  1. Matt. X, 16
  2. Galat. IV, 11
  3. Gen. 1, 14