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RÉPONSE AUX QUESTIONS DE JANVIER. LIVRE DEUXIÈME OU LETTRE LV.

(Année 400.)

Saint Augustin fait d’abord connaître les raisons profondes et mystérieuses pour lesquelles on ne célèbre point la résurrection, la mort et la sépulture du Sauveur les jours mêmes où ces grands événements se sont accomplis. n. 1-27. – Il explique ensuite pourquoi la descente du Saint-Esprit, le cinquantième jour après Pâques, n. 28-32 ; et ce qu’il faut penser de quelques usages particuliers, n. 33-40.

1. Après avoir lu la lettre où vous me rappelez le restant de ma dette pour les questions que vous m’avez depuis longtemps posées, je n’ai pu différer davantage de satisfaire un studieux désir qui m’est si agréable et si cher ; et malgré tant d’occupations accumulées, j’ai fait de ma réponse à vos questions ma principale affaire. Je ne veux pas parler plus longtemps de votre lettre pour commencer plus tôt à payer ce que je vous dois.

2. Vous demandez : « Pourquoi l’anniversaire de la célébration de la passion du Seigneur ne revient pas chaque année le même jour, comme l’anniversaire de sa naissance ; » et ensuite : « Si cela arrive à cause du sabbat et de la lune, que signifie cette attention au sabbat et à la lune ? » Il faut que vous sachiez d’abord qu’il n’y a pas de signification mystérieuse dans la célébration de la naissance du Seigneur, mais qu’on y rappelle seulement qu’il est né ; et pour cela il n’était besoin que de marquer par une fête religieuse le jour où l’événement s’accomplit. Une solennité est mystérieuse, quand la commémoration de la chose accomplie signifie quelque chose de saint. C’est ainsi que Pâques ne nous retrace pas seulement la mémoire de la mort et de la résurrection du Christ ; nous y joignons tout ce qui peut en faire connaître la mystérieuse signification. L’Apôtre a dit, en effet : « (Le Christ) est mort pour nos péchés, et il est ressuscité pour notre justification[1] ; » notre passage de la mort à la vie a été ainsi consacré dans la passion et la résurrection du Seigneur ; c’est le sens même de ce mot de pâque : ce terme n’est pas grec, comme on a coutume de le dire, mais hébreu, selon le sentiment de ceux qui savent les deux langues ; il ne tire pas son origine de πασκειν qui signifie souffrir, mais du verbe hébreu qui signifie passer ; passer, comme j’ai dit, de la mort à la vie : pâque dans cette langue signifie donc passage, comme l’assurent ceux qui la connaissent. C’est ce que le Seigneur lui-même a voulu nous faire entendre lorsqu’il a dit : « Celui qui croit en moi passera de la mort à la vie[2]. » C’est aussi ce que l’Évangéliste qui rapporte ces paroles, a voulu principalement exprimer, lorsque, parlant de la pâque que le Seigneur devait célébrer avec ses disciples, quand il leur donna le pain sacré, « Jésus, dit-il, voyant que son heure était venue ale passer du monde à son Père[3]. » Le passage de cette vie mortelle à une autre immortelle vie, c’est-à-dire de la mort à la vie, nous est donc représenté dans la passion et la résurrection du Seigneur.

3. Ce passage s’accomplit en nous par la foi qui nous obtient la rémission des péchés et l’espérance de la vie éternelle, si nous aimons Dieu et le prochain, parce que « la foi opère par l’amour, et que le juste vit de la foi[4]. Mais l’espérance qui se voit n’est plus espérance, car qui espère ce qu’il voit[5]. Si nous espérons « ce que nous ne croyons pas encore, nous l’attendons par la patience[6]. » Selon cette foi, cette espérance, cet amour qui forment notre état nouveau sous la grâce, nous sommes morts avec le Christ, et ensevelis avec lui dans la mort par le baptême[7], comme dit l’Apôtre : « Notre vieil homme a été crucifié avec lui, et avec lui nous sommes ressuscités[8] ; il nous a réveillés avec lui, et nous a fait asseoir avec lui dans les célestes demeures[9]. » De là cet enseignement : « Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, cherchez ce qui est en haut, dans ces régions où le Christ est assis à la « droite de Dieu ; goûtez les choses du ciel et non point celles de la terre. » L’Apôtre dit encore : « Vous êtes morts, et votre vie est cachée en Dieu avec Jésus-Christ. Quand le Christ, qui est votre vie, apparaîtra, vous apparaîtrez aussi avec lui dans la gloire[10]. » l’Apôtre nous fait assez comprendre que notre passage de la mort à la vie, qui se fait par la foi, s’achève par l’espérance de la résurrection dernière et de la gloire : c’est alors que ce qui est corruptible en nous, c’est-à-dire cette chair dans laquelle nous gémissons, sera revêtue d’incorruptibilité, et ce corps mortel sera revêtu d’immortalité[11]. Nous avons, il est vrai, dès à présent : « Les prémices de l’Esprit par la

  1. Rom. IV, 25
  2. Jean, V, 21
  3. Jean, XIII, 1
  4. Galat. V, 6
  5. Hab. II, 4
  6. Rom. VIII, 24, 25
  7. Coloss. III, 12
  8. Rom. VI, 6
  9. Ephés. II, 6
  10. Colos. III, 1-1
  11. I Cor. XV, 53