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pour qu’en tout temps il veille en faisant le bien, parce qu’il ne sait pas la fin des temps. Il ne nous dit pas qu’il faut connaître mieux que les apôtres les temps que le Seigneur a mis en sa puissance ; mais il nous exhorte à imiter les apôtres dans la préparation de notre cœur, parce que nous ne savons pas quand viendra le Seigneur ; c’est ce que j’ai suffisamment montré plus haut. Il reproche aux juifs de ne pas connaître les temps : « Hypocrites, leur dit-il, qui jugez d’après l’aspect du ciel, etc[1]. » Ce temps, que le Sauveur reprochait aux juifs, d’ignorer, c’est le temps de son premier avènement qu’il est nécessaire de connaître pour croire en lui, quand on veut, attendre l’autre dans une pieuse vigilance, à quelque époque qu’il doive arriver. Car celui qui n’aura pas connu le premier avènement du Seigneur ne pourra pas se préparer au second par la foi et la vigilance, de peur d’être surpris comme par un voleur de nuit, soit que le Seigneur vienne plus tôt ou plus tard qu’on ne l’attend.

7. L’apôtre Paul dit aussi, comme vous le rappelez, qu’il viendra des temps dangereux aux derniers jours du monde[2]. Mais nous apprend-il pour cela quelque chose sur les temps que le Père a mis en sa puissance ? Et quelqu’un sait-il s’ils seront longs ou courts, ces temps que nous avouons devoir être les derniers ? Nous devons penser qu’il y a déjà longtemps qu’il a été dit : « Mes petits enfants, la dernière heure est venue [3]. »

8. Vous citez encore ces paroles de l’Apôtre : « Quant aux temps et aux moments, il n’est pas nécessaire que nous vous en écrivions, car vous savez assez que le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit ; lorsqu’ils diront : La paix et la sécurité sont avec nous, ils seront surpris par le malheur comme une femme grosse par les douleurs de l’enfantement, et n’y échapperont pas[4]. » L’Apôtre ne dit point ici non plus quand cela doit arriver, mais comment cela arrivera ; il ne dit rien sur la durée du temps qui nous sépare du dernier jour ; seulement, quelle que soit cette durée, il nous fait entendre que ce malheur suprême viendra quand on se croira en paix et en sûreté. Ces paroles de l’Apôtre ne semblent pas permettre à notre temps d’espérer ou de craindre le dernier jour de l’univers ; car nous ne croyons pas que les amis eux-mêmes de ce monde, sur lesquels doit tout à coup tomber le malheur, se croient en paix et en sûreté.

9. L’Apôtre fait assez voir ce qu’il suffit de connaître lorsqu’il dit aux fidèles qu’il n’a pas besoin de leur écrire pour les temps et les moments, ou, comme portent d’autres exemplaires des saints Livres, qu’ils n’ont pas besoin qu’il leur écrive. Il n’ajoute pas qu’ils savent le temps qui reste, mais il dit : « Vous savez bien que l’heure du Seigneur viendra comme un voleur de nuit. » Voilà ce qu’il faut savoir, afin que ceux qui ne veulent pas être surpris par cette dernière heure comme par un voleur de nuit aient soin d’être des enfants de lumière et de veiller avec un cœur tout prêt. Si, pour échapper à ce danger, c’est-à-dire pour éviter que l’heure du Seigneur ne nous surprenne comme un voleur de nuit, il était besoin de connaître ce qui reste de temps, l’Apôtre ne dirait point qu’il n’a pas besoin de l’écrire ; mais, dans sa prévoyance, c’est précisément cela qu’il aurait jugé à propos d’enseigner. Mais il n’était pas non plus nécessaire que les fidèles le connussent, car il leur suffisait de savoir que l’heure du Seigneur viendrait comme un voleur pour ceux qui ne sont pas prêts et qui sont endormis : c’était un avertissement pour se préparer et pour veiller, à quelque heure que le Seigneur dût venir. Saint Paul est ainsi resté dans les limites qu’il ne devait pas dépasser, et, quoique apôtre, il s’est gardé d’enseigner aux autres ce que le Seigneur n’avait pas voulu révéler aux apôtres quand il leur avait dit : « Ce n’est pas à vous à savoir. »

10. Vous citez aussi ces paroles de saint Paul : « Ne vous souvenez-vous pas, que je vous ai dit ces choses lorsque j’étais encore auprès de vous ? Et vous savez bien ce qui le retient maintenant pour qu’il se révèle en son temps. Car le mystère d’iniquité se forme dès à présent ; seulement que celui qui tient présentement tienne jusqu’à ce qu’il soit enlevé. Et alors paraîtra cet impie que le Seigneur Jésus tuera par le souffle de sa bouche[5]. » Plût à Dieu que vous ne vous fussiez pas borné à citer ces paroles de l’Apôtre et que vous eussiez bien voulu les expliquer ! Elles sont obscures et mystiques ; il est évident cependant qu’elles ne marquent rien sur le temps précis qui doit s’écouler avant le second avènement du Sauveur. L’Apôtre dit : « Pour qu’il se révèle en

  1. Luc, XII, 42, 56.
  2. II Tim. III, 1.
  3. I Jean, II, 18.
  4. I Thess. V, 1,3.
  5. II Thess. II, 5-8