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sommes en communion avec toutes ces Églises, comme il est évident que vous ne communiquez pas avec elles.

3. C’est pourquoi nous vous demandons de ne pas craindre de nous répondre comment il a pu se faire que le Christ ait perdu son héritage répandu sur la terre entière, et qu’il ait été 'tout à coup réduit aux seuls Africains, et encore pas à tous, car l’Église catholique est aussi en Afrique, parce que Dieu a voulu qu’elle s’étendît dans le monde entier, et il l’a ainsi prédit. Votre parti, au contraire, qui porte le nom de Donat, n’est pas dans tous les lieux où ont retenti les écrits, les discours et les actions des apôtres. Ne dites pas que notre Église ne s’appelle point catholique, mais macarienne, comme vous la nommez ; vous devez savoir, et, si vous l’ignorez, vous pourriez apprendre très-aisément que dans toutes ces régions d’où l’Évangile s’est répandu à travers l’univers, on ne connaît ni le nom de Donat ni le nom de Macaire. Vous ne pouvez pas nier que votre parti s’appelle le parti de Donat, et qu’il est désigné sous ce nom partout où se rencontrent des hommes de votre communion. Daignez donc nous apprendre comment il se fait que le Christ ait perdu son Église dans toute la terre, et de quelle manière il a commencé à ne plus avoir d’Église que parmi vous ; c’est à vous qu’il appartient de répondre à cela ; il suffit à notre cause que nous voyions dans l’univers l’accomplissement de la prophétie et des saintes Écritures. Voilà ce que j’ai dicté, moi Augustin, parce gale depuis longtemps je veux m’entretenir de ces matières avec vous. Il me paraît, à cause de notre voisinage, que nous pouvons traiter ces questions par lettres et sans bruit, avec l’aide de Dieu, autant que le besoin de la vérité nous le demandera.

LETTRE L.

(Année 399.)

Saint Augustin se plaint du meurtre de soixante chrétiens, et propose de remplacer une statue d’Hercule dont la disparition ou la destruction avait été la cause ou le prétexte de cette sanglante atrocité. Les Bénédictins ont donné cette lettre sans observation. Le traducteur Dubois prévient son lecteur qu’il ne la donne que « pour servir de nombre et pour n’être pas obligé de changer le chiffre de celles qui suivent ; elle lui paraît trop impertinente pour qu’il l’attribue à saint Augustin ; de plus, il n’y reconnaît pas le style de l’évêque d’Hippone. Nous ne trouvons, quant à nous, rien d’extraordinaire dans le ton de cette lettre ; il nous semble naturel qu’un évêque s’émeuve du meurtre de soixante chrétiens, et les railleries qu’il se permet à l’endroit d’Hercule n’ont pas besoin qu’on les justifie. Nous avons vu d’ailleurs, lettre XVIIIe, avec quelle habileté le grand docteur pouvait manier l’ironie. Peut-être le style de cette lettre offre-t-il quelque chose qui n’est pas la manière accoutumée de saint Augustin ; mais fût-elle partie d’une main étrangère, nous n’aurions pas moins cru devoir lui laisser sa place, non pour servir de nombre, mais pour reproduire une pièce d’un curieux intérêt historique, au sujet des soixante martyrs de Suffec, dont le martyrologe romain a gardé la mémoire (le 30 août).

AUGUSTIN, ÉVÊQUE, AUX CHEFS ET AUX ANCIENS DE LA COLONIE DE SUFFEC[1].

L’énorme crime que votre cruauté a commis, au moment où on s’y attendait le moins, frappe la terre et le ciel ; sur vos places publiques et dans vos temples on voit encore des traces de sang, et vos rues retentissent de meurtres. Chez vous on a enfoui les lois romaines, la salutaire terreur de la justice est foulée aux pieds ; les empereurs ne sont assurément ni respectés ni redoutés. Le sang innocent de soixante de nos frères a coulé dans votre cité ; celui qui en a le plus tué a reçu le plus de louanges et a tenu le premier rang dans votre sénat. Venons maintenant à ce qui est pour vous l’affaire principale. Si vous prétendez que l’hercule était à vous, nous vous le rendrons ; il y a encore des métaux, les pierres ne manquent pas, on trouve plusieurs sortes de marbres, et les ouvriers abondent. On se hâte de sculpter votre dieu, on est en train de l’arrondir et de l’orner ; nous y ajoutons du vermillon pour son visage, afin que vos fêtes sacrées en reçoivent plus d’éclat. Du moment que l’Hercule était à vous, nous nous cotisons pour vous acheter un dieu fait par votre artiste. Mais si nous vous rendons votre Hercule, rendez-nous tant de frères auxquels vous avez arraché la vie.

LETTRE LI.

(399 ou 400.)

Saint Augustin s’adresse à Crispinus, évêque donatiste de Calame, et voudrait l’amener à une discussion par écrit, afin qu’on ne lui fasse pas dire le contraire de ce qu’il dit ; il relève des contradictions frappantes dans la conduite des donatistes.

AUGUSTIN A CRISPINUS.

1. Je n’ai pas donné d’autre titre à ma lettre parce que ceux de votre parti me blâment de mon humilité ; vous pourriez croire que je veux par là vous faire injure, si je ne vous demandais

  1. Suffec était une ville épiscopale de la Bysacène, ancienne province représentée aujourd’hui par la Régence de Tunis.