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LETTRES DE SAINT AUGUSTIN. — TROISIÈME SÉRIE.

« (jue nul homme ne sera justifié par les « œuvres de la loi ’. »

3. Ni ces œuvres de la loi qui se rapportent aux anciens sacrements et que les chrétiens n’observent pas , dej)uis la manifestation du Testament nouveau, comme la circoncision, le repos charnel du sabbat et l’abstinence de certaines viandes, l’immolation des animaux dans les sacrifices, la néoménie ^, les pains azymes et autres cérémonies du même genre ; ni le précepte qui défend de convoiter ’, préce{)te qui, sans aucun doute, est aussi une loi pour les chrétiens, aucune de ces choses ne justifie l’homme que par la foi en Jésus-Christ et la grâce de Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ. Saint Paul l’exprime ainsi : « Que dirons-nous «donc ? La loi est-elle péché ? Loin de nous tf cette pensée ! Mais je n’ai connu le péché que « par la loi ; car je n’aurais pas connu la conte voitise, si la loi n’avait dit : Tu ne convoiteras pas. Or, à l’occasion du commandement, « le péché a produit en moi toute concupiscence : car sans la loi le péché était mort. « Et moi je vivais autrefois sans loi. Mais, le « commandement étant survenu, le péché a « commencé à revivre, et moi je suis mort ; et « il s’est trouvé que le commandement qui « devait servir à me donner la vie, a servi à « me donner la mort. Car _, à l’occasion du « commandement, le péché m’a séduit et m’a « tué par le commandement même. Ainsi la « loi est sainte, et le commandement est saint, «juste et bon. Quoi donc ? ce qui était bon « est-il devenu mortel pour moi ? Nullement : «mais c’est le péché qui, pour faire paraître « sa corruption, m’a donné la mort par une « chose qui était bonne ; en sorte que, par le «commandement même, le péché s’est fortifié sans mesure. Car nous savons que la loi « est spirituelle ; mais moi je suis charnel , « étant vendu pour être assujéti au péché. « Aussi je ne comprends pas ce que je fais, « parce que je ne fais pas le bien que je veux, « et qu’au contraire je fais le mal que je hais. « Or, si je fais ce que je ne veux pas, je consens à la loi et je reconnais qu’elle est « bonne ^ »

4. Nous voyons dans ces paroles de l’Apôtre que non-seulement la loi n’est pas le péché, mais encore qu’elle est sainte, et que le com-

’ Gai. II. H-16.

’ La fête des Nouvelles lunes.

» gxode, XX, 17.— ’ Roai. vu, 7-16.

mandement par lequel il a été dit : « Tu ne « convoiteras pas , » est saint, juste et bon. Mais le péché trompe parce qu’il y a de bon dans le commandement même et tue à cause de cela ceux qui, étant charnels, pensent pouvoir, avec leurs propres forces, accomplir la loi spirituelle ; ils deviennent ainsi, non-seulement pécheurs, ce qu’ils seraient même sans avoir reçu la loi, mais encore prévaricateurs, ce qu’ils ne seraient pas sans la connaissance de la loi. L’Apôtre dit en effet dans un autre endroit : « Là où la loi n’est pas, il n’y a pas « prévarication ^ » « La loi est donc survenue, « comme il dit ailleurs , pour que le péché « abondât. Mais où abondait le péché a surabondé la grâce ’. »

5. Ainsi l’avantage de la loi c’est de montrer Ihomme à lui-même, afin qu’il connaisse sa faiblesse et qu’il voie comment la prohibition accroît la concupiscence charnelle au lieu de la guérir. On désire toujours plus ardemment ce qui est défendu, lorsqu’on demeure charnel en présence d’une prescription spirituelle. Mais ce n’est point par la loi elle-même, c’est par la grâce qu’on devient spirituel pour l’accomplissement de la loi spirituelle ; c’est-à-dire que ce n’est point par l’efïét d’un commandement , c’est par un bieniait- ce n’est point par la lettre qui ordonne, c’est par l’Esprit qui vient en aide. Mais l’homme intérieur commence à se renouveler selon la grâce % afin de faire ce qu’il aime, et de ne donner pas son consentement à la chair lorsqu’elle fait ce qu’il hait ; il ne s’agit pas d’éteindre entièrement la concupiscence, il s’agit de ne plus se laisser aller à ses désirs. En vérité c’est là une si grande chose que si elle s’accomplissait de toute manière, et que si, malgré nos désirs de péché tant que nous sommes dans le corps de cette mort, nous ne donnions notre consentement à aucun d’eux, nous n’aurions plus à dire à notre Père qui est aux cieux : « Pardonnez-nous nos offenses  » Pourtant nous ne serions jamais comme nous serons quand ce corps mortel aura revêtu l’immortalité : car alors non-seulement nous n’obéirons plus à aucun désir de péché, mais il n’y aura plus en nous de désirs auxquels il faille résister.

6. Présentement donc lorsque l’Apôtre dit que « ce n’est pas lui qui fait ce qu’il n’aime

’ Rom. IV, 15. — » Ibid. v, 20. — ’ Il Cor. iv, 16. — » Matih. VI, 12.