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518 LETTRES DE SAINT AUGUSTIN. — TROISIÈME SÉRIE. le second est un Dieu et un homme : car le pé- ché s’est fait par l’abandon de Dieu ; la justice ne se fait pas sans Dieu. C’est pourquoi nous ne mourrions pas si nous ne descendions d’A- dam par la génération charnelle ; et nous ne vivrions pas si nous n’étions pas membres du Christ par une union spirituelle. Il nous a donc fallu naître et renaître, le Christ n’a eu besoin que de naître pour nous. En renaissant nous passons du péché à la. justice ; mais le Christ n’a passé d’aucun péché a. la justice ; s’il a voulu être baptisé, c’était pour que son humi- lité recommandât de plus haut le sacrement de notre régénération, figurant toutefois le vieil homme par sa passion, et par sa résurrec- tion le nouveau. 31. En effet, la révolte de la concupiscence par laquelle la chair a ses mouvements sans notre volonté, est réduite par la légitimité du mariage ; mais quelque licite que soit l’union conjugale, il est nécessaire que les enfants soient régénérés. Ce n’est point par cette union de l’homme et de la femme que le Christ a voulu naître ; il a pris d’une vierge exempte de tout désir charnel, la ressemblance de la chair du péché, par laquelle la chair de péché devait être purifiée en nous ’. « Comme c’est « par le péché d’un seul, dit l’Apôtre, que tous V les hommes sont tombés dans la condamna- « tion, ainsi c’est par la justice d’un seul que « tous les hommes reçoivent la justification « qui donne la vie -. » Car personne ne naît que par un acte de la concupiscence charnelle, tirée du premier homme ; et personne ne renaît que par l’action de la grâce spirituelle, donnée par le second Adam qui est le Christ. C’est pourquoi si nous appartenons à Adam par notre naissance, au Christ par notre re- naissance, et si nul ne peut renaître avant d’être né, sans aucun doute le Christ est né par une voie extraordinaire puisqu’il n’a pas eu besoin de renaître. Il n’a pas passé du péché à la justice ; il n’a jamais été dans le péché et n’y a pas été conçu, et c’est en restant pure que sa mère l’a i^orté dans son sein : l’Esprit de Dieu est survenu en elle, et la vertu du Très-Haut l’a couverte de son ombre ; de là vient que ce qui est né d’elle a été saint et a été api)eléle Fils de Dieu. Le mariage n’éteint pas, mais modère l’ardeur mauvaise de la chair insoumise, afin que la limite imposée à la con- cupiscence devienne au moins la pudeur conju- » Rom, -vui, 3-1.— ’ Rom. v, 18. gale. Mais la Vierge Marie à qui il fut dit que la vertu du Très-Haut la couvrirait de son om- bre n’a senti, à la faveur de cette ombre, aucune ardeur de concupiscence lorsqu’elle a conçu le Saint des saints. Sauf donc celui-là qui est la pierre angulaire, je ne vois pas com- ment les hommes peuvent devenir le temple de Dieu sans avoir été régénérés , et pour cela d’abord il faut naître. 32. C’est pourquoi, quelque opinion que nous ayons sur l’état de l’homme encore en- fermé dans le sein maternel , que nous le croyons capable ou incapable de quelque degré de sanctification, soit à cause de saint Jean qui, avant de voir le jour, tressaillit de joie (ce qui n’a pu se faire assurément sans l’opération du Saint-Esprit) ; soit à cause de Jérémie « sancti- « fié avant de sortir du sein de sa mère, » selon les paroles que le Seigneur lui adresse ^, tou- jours est-il que cette sanctification par laquelle chacun de nous est le temple de Dieu, et par laquelle nous formons tous ensemble le temple de Dieu, ne saurait être que le partage des régénérés. Car la naissance précède nécessaire- ment la régénération, et nul ne finira bien la vie où il est né, s’il ne renaît pas avant de la finir. 33. Si on dit que l’homme est né lors même qu’il est encore dans le sein de sa mère, et si on s’appuye sur le passage de l’Evangile où l’ange annonce à Joseph que ce qui est né en Marie est du Saint-Esprit ^, l’enfantement sera donc une seconde naissance ? et notre naissance en Jésus-Christ sera donc la troisième ? Mais quand le Seigneur en a parlé, il a dit « qu’il « faut naître de nouveau S » regardant ainsi comme une première naissance l’enfantement et non point la conception. Lorsqu’un homme est mis au monde, nous ne disons pas qu’il vient de renaître comme s’il était déjà né une fois dans le sein maternel ; mais seulement qu’il est né, et c’est alors qu’il peut renaître par l’eau et l’Esprit. On veut parler de cette naissance quand on dit que le Seigneur est né à Bethléem de Juda " Si l’homme pouvait être régénéré par la grâce de l’Esprit dans le sein de sa mère, comme il lui resterait encore à voir le jour, il renaîtrait donc avant de naître, ce qui ne peut se faire en aucune manière. Ainsi ce sont les hommes qui sont nés qui peu- vent s’unir au corps du Christ comme pour ’ Luc, I, 35. — » Jéréra. i, 5. — • Matth. i, 20. — * Jean, lu, 3. — ’ Matth. II, I .