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516 LETTRES DE SAINT AUGUSTIN. — TROISIÈME SERIE. demanda à Dieu l’explication , et qu’elle ayj- prit que ces enfants étaient la figure de deux peuples *. 25. Si je voulais montrer, par des paroles, que les enfants, (jui ne savent encore rien des choses humaines, ne connaissent pas les choses divines, je craindrais de faire injure même à nos sens, car l’évidence de la vérité est ici plus forte que tous les discours. Quand les enfants commencent à bégayer quelques mots et qu’un langage naissant les sépare du premier âge, ne les voyons-nous pas, si bornés dans ce qu’ils pensent et ce qu’ils disent, que, s’ils ne sor- taient pas de cet état avec les années, il n’y a personne qui ne les déclarerait imbéciles, à moins dètre f>lus imbécile qu’eux ? Dirons- nous que ces enfants savaient beaucoup au berceau et même dans le silence du sein ma- ternel, mais que du moment qu’ils ont com- mencé à parler avec nous, ils se sont enfoncés dans l’ignorance où nous les voyons ? Vous comprenez tout ce qu’il y aurait dabsurde dans cette oi)inioii ; les idées que les enfants ex|)riment, tant bien que mal, au premier âge, ne sont presque rien assurément à côté du lan- gage des hommes faits ; pourtant c’est de l’in- telligence, si on conq)are cet état à celui où ils naissent. D’où ient qu’au moment du baptême, Iors(iu’il s’agit d’un si grand bienfait de la grâce chrétienne, on ne leur impute pas les cris et les mouvements par lesquels ils se dé- fendent ? D’où vient que l’on compte pour rien toute leur résistance et qu’on ne laisse pas d’achever le sacrement qui doit effacer en eux le péché originel ? N’est-ce point parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font, et qu’ils sont cen- sés ne pas le faire ? Quel chrétien ignore que, si ces enfants étaient capables de raison et de volonté et, par conséqueMt, obligés de consen- tir à leur sanctification par le baptême, leur résistance à une aussi grande grâce serait cou- pable, et que le baptême ne leur serait pas seulement inutile, mais encore aggraverait leur état (le péché ? 2(). Nous disons donc que le Saint-Es[)rit habite dans les enfants baptisés, quoicju’ils ne le sachent pas. Ils ignorent qu’il est en eux comme ils ignorent leur propre intelligence ; la raison dont ils ne peuvent se servir encore est en eux comme une étincelle endormie : elle attend que l’âge la réveille. Cela ne doit pas paraître étonnant dans les enfants, puis- ’ Gen. XXV, 22, 23. que l’Apôtre dit à ceux qui sont hommes : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de « Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en « vous * ?» 11 avait dit d’eux, peu auparavant : « L’homme animal ne comprend pas les choses « qui sont de l’Esprit de Dieu ; » il les appelle aussi des enfants, non par Tâge, mais par l’esprit ^ Ils n’avaient donc pas connaissance du Saint-Esprit qui habitait avec eux ; malgré même la présence du Saint-Esprit, ils restaient grossiers et n’étaient pas encore spirituels , parce qu’ils ne pouvaient encore connaître le céleste habitant de leur âme. 27. 11 est dit que l’Esprit-Saint habile en de tels hommes i)arce qu’il agit secrètement en eux pour qu’ils deviennent son temple ; c’est ce qu’il achève en ceux qui profitent et persé- vèrent dans de nouveaux progiès. « Car nous « sommes sauvés en espérance, » selon les pa- roles de rA|)ôtre, qui dit ailleurs : « Nous « avons été sauvés par le bain de la régénéra- « lion ’ » Ayant parlé ici de notre salut comme d’une chose accomplie, saint Paul s’explique dans le passage suivant : « Car nous sonnnes « sauvés en espérance. Mais l’espérance qui se « voit n’est pas une espérance ; qui donc es- « père ce qu’il voit ? Et si nous espérons ce « que nous ne voyons pas, nous l’attendons « avec patience *. » Dans l’Ecriture il est parlé de beaucoup de choses comme faites et qu’il faut n’entendre qu’en espérance. C’est ainsi que le Seigneur dit à ses disciples : « Je vous « ai fait connaître tout ce j’ai appris de mon «Père^ ; » ce n’était qu’une espérance qu’il leur donnait, puisqu’il ajoute ensuite : « J’au- « rais beaucoup d’autres choses à vous dire, « mais maintenant vous ne pourriez pas les « portera » L’action de l’Esprit-Saint dans les mortels en qui il habite, c’est donc d’y édifier sa demeure qui ne sera achevée que par delà cette vie, quand la mort sera absorbée dans sa victoire et qu’il lui sera dit : « mort, où est « ta victoire ? mort, où est ton aiguillon ? » Qu’est-ce donc que l’aiguillon de la mort si ce n’est le péché ^ ? 28. C’est pourquoi, maintenant même que nous sommes régénérés par l’eau et l’Esprit, (|ue toutes nos fautes sont elïacées dans ce bain qui purifie, soit le péché originel commun à tous, soit les péchés qui nous sont propres, » I Cor. m, 16. — ’ Ibid. ii, 11 ; m, 1, 2. — ’ Tite, m, 5. ’ Rom. VIII, 21, 25. — ’ Jean, xv, 15.— ’ Ibid. xvi, 12. — ’ I Cor. XV, 54-56.