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d’où l’Évangile est venu en Afrique : il pouvait y porter sa cause si ses adversaires faisaient effort pour indisposer ces Églises contre lui. Si donc Sécondus refusa de se rendre au milieu de collègues qu’il savait ou qu’il soupçonnait, ou, comme le veulent les donatistes, qu’il faisait semblant de croire prévenus contre la vérité de sa cause ; c’était pour lui, s’il avait voulu être vraiment gardien de la paix, un nouveau motif de prendre garde que ces évêques ne condamnassent des absents qui avaient décliné leur juridiction. Il ne s’agissait pas de prêtres, de diacres ou de clercs d’un ordre inférieur, mais d’accusés qui étaient évêques comme eux, et qui, réservant leur cause tout entière, pouvaient la porter au jugement d’autres collègues et surtout des chefs des Églises apostoliques ; auprès de pareils juges, une sentence contre des absents n’était d’aucune valeur ; ceux-ci ne repoussaient pas une juridiction qu’ils eussent d’abord acceptée, mais ils l’avaient toujours tenue pour suspecte et ne l’avaient jamais reconnue.

8. C’est surtout de cela que se serait inquiété Sécondus, si, étant primat, il n’avait dirigé le concile que dans des vues de paix ; il aurait sans doute aisément apaisé ou modéré la rage de ses collègues contre des absents, en leur tenant ce langage : « Vous voyez, mes frères, la paix que les princes du siècle nous accordent par la miséricorde de Dieu, après les longues horreurs de la persécution ; nous ne devons pas, nous, chrétiens et évêques, rompre cette unité chrétienne que le païen lui-même n’attaque plus. Ainsi donc, ou remettons à a la justice de Dieu toutes ces causes qui ont affligé l’Église en des temps de malheur ; ou bien, s’il en est quelques-uns parmi vous qui connaissent d’une manière certaine qu’ils sont coupables, s’ils peuvent prouver facilement leur crime et les convaincre malgré leurs dénégations, et s’ils craignent de communiquer avec eux, qu’ils aillent vers nos frères et nos collègues les évêques des Églises d’outre-mer pour se plaindre de leurs actes, de leur contumace, et de ce que, la conscience chargée, ils refusent de se soumettre au jugement de leurs collègues d’Afrique : de là on les obligera à se présenter, et ils auront à répondre aux questions qui leur seront faites. En cas de refus de leur part, leur iniquité sera révélée par les Églises d’outre-mer ; et pour que l’erreur ne puisse s’asseoir sur le siège de l’Église de Carthage, des lettres synodiques, dénonçant nominativement les coupables à toute la terre, partout où l’Église du Christ est répandue, les sépareront de la communion de toutes les Églises. Ceux-ci une fois exclus de toute l’Église, nous ordonnerons en sûreté un autre évêque pour le peuple de Carthage : si nous agissions autrement, il serait à craindre que l’Église d’outre-mer ne se mît pas en communion avec le nouvel évêque ordonné, parce qu’on ne regarderait pas comme déposé celui dont là renommée a annoncé l’ordination, et qui a reçu des lettres de communion. Evitons de hâter notre sentence, de peur que le scandale d’un grand schisme n’éclate dans l’unité du Christ au milieu des temps meilleurs qui commencent pour l’Église, de peur que nous n’élevions un nouvel autel, non pas contre Cécilien, mais contre toute la terre qui, dans son ignorance, reste en communion avec lui. »

9. Admettons qu’il se fût rencontré quelqu’un d’assez violent pour repousser un aussi bon conseil, qu’aurait-il pu faire ? Comment aurait-il pu condamner un seul de ses collègues absents, sans tenir sous sa main les actes du concile refusés par le primat ? Et si les manœuvres séditieuses contre le premier siège de l’Afrique avaient été assez fortes pour que quelques-uns eussent voulu condamner ceux dont le primat voulait différer le jugement, combien il eût été meilleur de se mettre en désaccord avec cette portion inquiète et agitée, que de rompre la communion avec tout l’univers ! Mais comme on ne pouvait rien prouver devant les évêques d’outre-mer contre Cécilien et ses ordinateurs, on ne voulut pas les déférer avant de les juger, et, après la sentence portée contre eux, on n’en informa pas les Églises d’outre-mer, qui auraient dû éviter la communion avec les traditeurs d’Afrique condamnés. Ah ! si on avait fait ainsi, Cécilien et les autres se seraient rendus auprès des juges ecclésiastiques d’outre-mer pour se justifier, dans un débat exact, contre leurs faux accusateurs.

10. Nous avons donc raison de croire que ce concile, méchant et criminel, fut surtout composé d’évêques traditeurs, auxquels Sécondus, évêque de Tigisis, avait pardonné après leur aveu. Le bruit de leur crime s’était répandu