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fois, sachant que celui qui est en cet « état est perverti, et qu’il pèche et qu’il est « condamné par son propre jugement[1]. » Mais on ne doit pas compter au nombre des hérétiques ceux qui défendent sans passion opiniâtre une doctrine, même fausse et perverse, surtout lorsque ne l’ayant point orgueilleusement enfantée, mais l’ayant reçue de leurs pères comme un héritage d’erreur, ils cherchent la vérité avec une prudente sollicitude, tout prêts à Se corriger, du moment qu’ils l’auront trouvée. Si je ne vous croyais pas de tels sentiments, je ne vous écrirais peut-être pas. Cependant, comme nous demandons qu’on évite l’hérétique enflé d’un odieux orgueil et devenu insensé dans l’obstination de ses mauvaises disputes, dans la crainte qu’il ne séduise les faibles et les petits ; ainsi nous ne le repoussons pas quand nous avons l’espoir de le ramener, n’importe par quels moyens. Aussi ai-je écrit à quelques-uns des principaux d’entre les donatistes, non pas des lettres de communion qu’ils ne reçoivent plus depuis longtemps déjà, à cause de leur éloignement de l’unité catholique répandue par toute la terre, mais des lettres particulières comme nous pouvons en adresser aux païens : si parfois ils les ont lues, ils n’ont pas voulu y répondre, ou, ce qui est plus à croire, ils ne l’ont pas pu. Il nous a paru que nous remplissions ainsi ce devoir de charité que l’Esprit-Saint nous prescrit, non-seulement à l’égard des nôtres, mais encore à l’égard de tous, lorsqu’il nous dit par le ministère de l’Apôtre : « Que le Seigneur vous « multiplie et vous fasse abonder en charité les uns pour les autres et pour tous[2]. » Ailleurs l’Esprit-Saint nous enseigne encore qu’il faut reprendre avec douceur les dissidents : « Dans l’espérance, dit l’Apôtre, que Dieu leur donnera un jour l’esprit de pénitente pour connaître la vérité, et qu’ils sortiront des pièges du démon qui les retient captifs pour qu’ils fassent sa volonté[3]. »

2. J’ai commencé par vous dire ces choses, afin qu’on ne m’accuse ni d’orgueil ni d’imprudence pour vous avoir écrit et avoir voulu m’occuper de l’affaire de votre âme, quoique vous ne soyez pas de notre communion : si je vous écrivais pour une terre ou pour terminer une question d’argent, personne assurément n’y trouverait à redire : tant les choses de ce monde tiennent au cœur des hommes, et tant ils se sont avilis à leurs propres yeux ! Cette lettre sera donc un témoin qui me défendra au tribunal de Dieu : il sait quel esprit m’anime dans ce que je fais en ce moment, et il a dit : « Bienheureux les pacifiques, parce qu’ils seront appelés enfants de Dieu[4] ! »

3. Veuillez donc vous rappeler que, pendant que j’étais dans votre ville[5], traitant avec vous de quelques points de la communion de l’unité chrétienne, on produisit de votre part certains actes d’où il résulte que soixante-dix évêques condamnèrent Cécilien, ancien évêque catholique de Carthage, avec ses collègues et ceux qui l’avaient ordonné ; et qu’on discuta aussi, avec une haine et une acrimonie particulières, la cause de Félix, évêque d’Aptonge. Cela étant lu, je répondis qu’il n’y avait rien de surprenant que les hommes qui firent alors le schisme eussent voulu condamner témérairement, en dressant acte de cette condamnation, des absents sans connaissance de cause et à l’instigation de rivaux et de gens perdus ; que nous avons d’autres actes ecclésiastiques d’après lesquels Sécondus, évêque de Tigisis, alors primat de Numidie, laissa au jugement de Dieu et sur leurs sièges épiscopaux, des évêques qui, présents et interrogés, s’avouèrent traditeurs, et dont les noms figurent sur la liste de ceux qui ont condamné Cécilien ; car c’était encore Sécondus qui présidait cet autre concile où il condamna des absents comme traditeurs, en s’appuyant sur le témoignage de ceux qui présents se confessèrent coupables du même crime et reçurent de lui leur pardon.

4. Nous dîmes ensuite que peu de temps après l’ordination de Majorin, qu’ils nommèrent criminellement contre Cécilien, élevant autel contre autel et rompant l’unité du Christ par de furieuses divisions, ils allèrent demander à l’empereur Constantin de faire juger par des évêques les différends survenus en Afrique, et qui troublaient la paix ; que cela fut fait en présence de Cécilien et de ceux qui avaient passé la mer pour l’accuser ; que, d’après la sentence rendue par Melchiade, évêque de Rome, assisté de ses collègues envoyés par l’empereur à la prière des donatistes, on ne put

  1. Tite, III, 10, 11.
  2. I Thess. III, 12
  3. II Tim. II, 25, 26.
  4. Matt. V, 9
  5. A Tubursi.