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petit nombre ? Vous ne faites pas attention qu’ils répliqueront en vous disant : Quel que soit le nombre que vous prétendiez former, vous n’êtes pas cependant ceux dont il a été dit : « Il a été accordé plus de fils à la femme délaissée, » puisque vous êtes restés en si petit nombre.

27. Vous nous opposerez ici l’exemple de ce juste dans le déluge, qui seul fut trouvé digne d’être sauvé avec sa famille. Voyez comme vous êtes encore loin de la justice ! jusqu’à ce que vous soyez réduit à sept et que vous ne fassiez que le huitième, nous, ne dirons pas que vous êtes juste ; encore faudra-t-il que personne ne se soit rencontré au loin, avant le parti de Donat, pour s’emparer justement de cette justice avec sept autres comme lui, se séparer et se sauver du déluge de ce monde. Puisque vous ignorez si cela n’a pas eu lieu et que vous n’en avez rien ouï-dire, comme beaucoup de peuples chrétiens, placés au loin, n’ont rien ouï-dire de Donat, vous ne savez pas où est l’Église. Elle sera là où l’on aura peut-être fait ce que vous n’avez fait que plus tard, s’il a pu exister quelque juste motif de vous séparer de la communion de toutes les nations.

28. Pour nous, nous sommes certains que personne n’a pu se séparer justement de la communion de toutes les nations, parce que ce n’est pas dans sa propre justice que chacun de nous cherche l’Église, mais dans les divines Écritures, et qu’elle se montre à nous comme elle nous a été promise. C’est d’elle qu’il a été dit : « Comme le lis est entre les épines, ainsi apparaît mon amie au milieu des autres filles[1] ; » celles-ci ne peuvent être comparées à des épines que par leurs mauvaises mœurs, et on ne les appelle filles que par la communion des mêmes sacrements. C’est l’Église qui dit : « J’ai crié vers vous du bout de la terre, quand mon cœur était dans la peine[2]. » Elle dit dans un autre psaume : « Le chagrin s’est emparé de moi à la vue des pécheurs qui abandonnent votre loi ; » et encore : « J’ai vu des insensés, et je séchais de douleur[3]. » C’est elle qui dit à son époux : « Où menez-vous paître ? où vous reposez-vous au midi ? apprenez-le-moi de peur que, voilée, je ne m’égare au milieu des troupeaux de vos compagnons[4]. » La, même chose est dite ailleurs. « Faites-moi connaître la force de votre droite et ceux dont le cœur est instruit dans la sagesse[5], » ceux qui sont brillants de lumière et embrasés de charité et en qui vous vous reposez comme au midi, de peur que, voilée, c’est-à-dire cachée et inconnue, je ne me jette, non dans votre troupeau, mais dans les troupeaux de vos compagnons, qui sont les hérétiques. Ceux-ci sont appelés des compagnons comme les épines sont encore appelées filles, à cause de la communion des sacrements. Il est dit d’eux ailleurs : « Vous ne faisiez qu’un avec moi, vous étiez mon guide et mon ami ; vous preniez avec moi une douce nourriture ; nous marchions, unis l’un à l’autre, dans la maison du Seigneur. Que la mort vienne sur eux, et qu’ils descendent vivants dans l’abîme[6], » comme Dathan et Abiron, auteurs d’une séparation impie.

29. C’est à elle que l’époux répond : « Si vous ne vous connaissez pas vous-même, ô vous qui êtes belle entre les femmes, sortez, allez sur les traces des troupeaux, et menez paître vos chevreaux autour des tentes des pasteurs[7]. » O la réponse d’un très-doux époux ! Si vous ne vous connaissez pas vous-même, dit-il. La ville bâtie sur la montagne ne peut se cacher[8] ; c’est pourquoi vous n’êtes pas voilée ni exposée à vous jeter dans les troupeaux de mes compagnons ; car je suis la montagne qui domine tous les sommets, vers laquelle viendront toutes les nations[9]. Si donc vous ne vous connaissez pas vous-même, non point dans les paroles des calomniateurs, mais dans les témoignages de mes livres ; si vous ne vous connaissez pas vous-même, car il a été dit de vous : « Étendez au loin les cordages, affermissez solidement les pieux ; étendez à droite et à gauche. Car votre race aura les nations pour héritage, et vous habiterez les villes qui étaient désertes. Ne craignez rien, vous triompherez ; ne rougissez pas de ce que vous étiez auparavant détestée. Vous oublierez à tout jamais votre honte ; vous perdrez le souvenir de l’opprobre de votre veuvage. Car je suis le Seigneur qui prends soin de vous former, le Seigneur est mon nom. Celui qui vous délivra, c’est le Seigneur Dieu d’Israël, toute la terre l’adorera[10]. » Si vous ne vous connaissez pas vous-même, ô vous qui êtes belle entre les femmes ! Car il a été dit de vous : « Le roi s’est épris de votre beauté ; » et encore : « Des

  1. Cant. II, 2.
  2. Ps. LX, 3.
  3. Ibid. CXVIII, 53, 158.
  4. Cant. 6
  5. Ps. LXXXIX, 12.
  6. Ibid. LIV, 14-16.
  7. Cant. I, 7.
  8. Matt. V, 14.
  9. Isaïe, II, 2.
  10. Ibid. LIV, 2-5