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vous reposez-vous au midi[1] ? » Si, dans ce passage des Écritures, il faut entendre le midi de l’Afrique, le pays qu’occupe surtout le parti de Donat, situé sous un brûlant climat, tous les maximianistes l’emporteront sur vous, parce que leur schisme s’est allumé dans la Byzacène[2] et la province de Tripoli. Que les Arzuges soutiennent avec eux le débat et s’efforcent de prouver que ce passage de l’Écriture les regarde davantage ; quant à la Mauritanie césarienne, plus voisine du couchant que du midi et qui rie veut pas même passer pour une région africaine, comment se glorifiera-t-elle de ce midi ; je ne dis pas contre le monde entier, mais contre le parti même de Donat, d’où est sorti le parti de Rogat, ce petit morceau retranché d’un morceau plus grand ? Mais qui aurait l’impudeur d’interpréter à soif profit quelque chose d’allégorique, sans avoir en même temps des témoignages évidents qui éclairciraient les passages obscurs ?

25. Ce que nous avons donc coutume le dire à tous les donatistes, à plus forte raison nous vous le dirons. Admettons, ce qui ne saurait être, que quelques-uns puissent avoir un juste motif de séparer leur communion de celle du monde entier et qu’ils puissent appeler cette communion particulière l’Église du Christ, parce qu’ils se sont séparés légitimement de la communion de tous les peuples, savez-vous si, avant votre propre séparation, il ne s’est pas rencontré au loin, dans la grande société chrétienne, des hommes qui aient eu, eux aussi, un juste motif d’en faire autant, sans que le bruit de la vérité de leurs griefs ait pu venir jusqu’à vous ? Comment l’Église peut-elle être en vous plutôt qu’en ceux qui se seraient séparés les premiers ? Il en résulte que, ne sachant pas cela, vous devenez incertains pour vous-mêmes ; et ceci doit arriver nécessairement à tous ceux dont la société n’est pas fondée sur le témoignage divin, mais sur leur propre témoignage[3]. Vous ne pouvez pas dire : si cela était arrivé, nous n’aurions pas pu l’ignorer, car si nous vous demandions combien de partis en Afrique sont sortis du parti de Donat, vous ne pourriez pas nous l’apprendre ; surtout parce que ces subdivisions de partis se croient d’autant plus en possession de la justice que leurs adhérents sont moins nombreux, et par là aussi il y a plus de difficulté à les connaître. C’est pourquoi vous ne savez pas si, par hasard, quelques justes en petit nombre et, à cause de cela, très-peu connus, dans une lointaine contrée opposée au midi de l’Afrique, avant que le parti de Donat séparât sa justice de l’iniquité du reste des hommes, ne se sont pas primitivement séparés pour une cause très-juste du côté de l’aquilon, et ne forment pas, plutôt que vous, l’Église de Dieu et comme une Sion spirituelle cette communion lointaine et inconnue vous aura tans prévenus, et elle aura eu plus de raison d’interpréter à son profit ces paroles du psaume : « La montagne de Sion est du côté de l’aquilon, c’est la ville du grand roi[4], » que n’en a eu le parti de Donat d’interpréter à son avantage ces paroles des Cantiques : « Où menez-vous paître ? où vous reposez-vous au midi ?

26. Et cependant vous craignez que la contrainte ; employée à votre égard par les lois impériales, ne soit pour les juifs et pour les païens une occasion de blasphémer le nom de Dieu ; mais les juifs savent comment le premier peuple d’Israël voulut détruire par la guerre les deux tribus et la moitié de tribu qui avaient reçu des terres au-delà du Jourdain, lorsqu’ils crurent que ces tribus s’étaient séparées de l’unité du peuple[5]. Et quant aux païens, ils pourraient plutôt blasphémer au sujet des lois des empereurs chrétiens contre les adorateurs des idoles ; pourtant plusieurs d’entre eux, redressés par ces lois, se sont convertis au Dieu vivant et véritable, et chaque jour on voit parmi eux de nouvelles conversions. Assurément si les juifs et les païens pensaient que les chrétiens fussent aussi peu nombreux que vous l’êtes – vous-mêmes, vous qui vous dites les seuls chrétiens, ils ne daigneraient pas blasphémer contre nous, mais ils en riraient sans cesse. Ne craignez-vous pas que les juifs ne vous disent : Si c’est votre petit nombre qui forme l’Église du Christ, où est donc ce que votre Paul entend par l’Église lorsque, proclamant le nombre des chrétiens supérieur au nombre des juifs, il s’écrie : « Réjouissez-vous, stérile qui n’enfantiez point ; éclatez et poussez des cris d’allégresse ; vous qui ne deveniez point mère, parce qu’il a été accordé plus de fils à la femme délaissée qu’à celle qui a un mari[6]. » Leur répondrez-vous : Nous sommes d’autant plus justes que nous sommes en plus

  1. Cantiques, I, 6
  2. Aujourd’hui le pays de Tunis.
  3. Cette belle pensée, que saint Augustin jette en passant, attaque directement le principe même du protestantisme.
  4. Ps. XLVII, 3.
  5. Josué, XXII, 9-12.
  6. Gal. IV, 27