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Combien il serait meilleur d’agir ainsi et d’envoyer à l’empereur ce qui aurait été fait et signé, que de recourir aux puissances séculières, qui ne peuvent que procéder contre vous conformément aux lois déjà portées ? En effet, vos collègues qui passèrent les mers dirent qu’ils étaient venus pour que les préfets les entendissent ; ils demandèrent d’être entendus avec notre saint père l’évêque catholique Valentin qui se trouvait alors à la cour ; le juge ne pouvait le leur accorder ; il jugeait selon les lois faites contre vous ; et l’évêque Valentin lui-même n’était pas venu pour cela et n’avait pas reçu de ses collègues un semblable mandat. Combien donc il vaut mieux recourir à l’empereur, lui qui n’est pas soumis à ces lois, qui a le pouvoir d’en faire d’autres, et qui, après avoir pris connaissance de vos conférences, pourrait prononcer sur l’affairé tout entière, quoiqu’elle passe pour jugée depuis déjà longtemps ! Nous ne voulons pas conférer pour que la cause soit de nouveau finie, mais pour qu’elle se montre finie à ceux qui n’en savent rien. Si vos évêques veulent faire cela, qu’avez-vous à perdre et que ne gagnerez-vous pas ? Votre bonne volonté sera manifestée, et on ne vous reprochera plus avec raison de vous défier de votre propre cause. Croyez-vous par hasard que cela vous soit religieusement défendu ? Mais vous n’ignorez point que le Christ Notre-Seigneur a parlé de la loi avec le diable lui-même[1], que l’apôtre Paul a conféré sur l’hérésie des stoïciens et des épicuriens, non-seulement avec des juifs, mais encore avec des philosophes gentils[2] ? Direz-vous que les lois de l’empereur ne vous permettent pas de vous réunir avec nos évêques ? Eh bien ! réunissez-vous à vos évêques du pays d’Hippone, où nous avons tant à souffrir de la part des gens de votre parti. Ne serait-il pas plus permis et plus aisé à vos gens de faire arriver jusqu’à nous vos écrits que leurs armes ?

11. Enfin, répondez-nous comme nous le désirons, par ces mêmes frères que nous envoyons vers vous. Si vous ne voulez pas de cela, entendez-nous du moins avec ceux des vôtres qui nous font souffrir tant de maux. Montrez-nous la vérité par laquelle vous vous dites persécutés, tandis que nous sommes en butte aux violences cruelles de votre parti. Si vous nous prouvez que nous sommes dans l’erreur, vous nous accorderez peut-être de ne pas nous rebaptiser ; vous trouverez juste, qu’ayant été baptisés par ceux que vous n’avez frappés d’aucun jugement, nous soyons traités comme ceux que Félicien de Musti et Prétextat d’Assuri avaient baptisés pendant un si long temps, pendant que vous vous efforciez de les chasser de leurs Églises à l’aide des ordres des juges séculiers, parce que ces évêques restaient dans la communion de Maximien, avec lequel vous les aviez condamnés expressément et nommément dans le concile de Bagaie. Nous prouvons toutes ces choses par les actes judiciaires et municipaux, où vous alléguez votre propre concile, voulant montrer aux juges que vous chassiez vos schismatiques de leurs Églises. Et cependant, vous qui avez fait schisme avec la race d’Abraham, en qui toutes les nations sont bénies[3], vous ne voulez pas être chassés de vos Églises, non point par des juges, ainsi que vous l’avez fait à l’égard de vos schismatiques, mais par les rois de la terre eux-mêmes, qui, selon la prophétie, adorent le Christ, par ces rois devant qui, vous les accusateurs de Cécilien, vous avez été vaincus.

12. Mais, si vous ne voulez ni nous entendre ni nous instruire, venez, ou envoyez avec nous au pays d’Hippone des gens qui voient votre troupe armée, plus inhumaine que ne l’ont jamais été les soldats contre les barbares, car ils ne leur lançaient pas dans les yeux de la chaux et du vinaigre. Si vous refusez aussi cela, écrivez-leur au moins, afin qu’ils ne recommencent plus de pareilles horreurs, afin qu’ils cessent de nous tuer, de nous piller, de nous aveugler. Nous ne voulons pas dire Condamnez-les. Ce sera à vous de voir comment vous n’êtes pas souillés par les brigands que nous vous montrons dans votre communion, et comment nous sommes souillés, nous, par les traditeurs que vous n’avez jamais pu nous montrer. Choisissez, sur toutes ces choses, ce que vous voudrez. Si vous méprisez nos plaintes, nous ne nous repentirons pas d’avoir voulu agir pacifiquement avec vous. Le Seigneur assistera son Église, et vous vous repentirez d’avoir dédaigné nos humbles avis.

  1. Matt. IV, 4
  2. Act. XVII, 18
  3. Gen. XXII, 18