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chapitre seizième.

vouloir savoir quelque chose d’une autre manière qu’elle n’est, c’est une tentation humaine. Aimer trop sa propre opinion ou repousser les opinions meilleures au point d’arriver au sacrilège d’une communion rompue et à la formation d’un schisme ou d’une hérésie, c’est une présomption diabolique. N’aspirer à savoir aucune chose autrement qu’elle n’est, c’est une perfection angélique. Comme nous sommes actuellement des hommes, comme nous ne sommes des anges que par l’espérance et que nous ne serons leurs égaux que dans la résurrection du siècle futur, si nous ne pouvons pas avoir ici-bas la perfection angélique, n’ayons pas au moins la présomption du démon. Voilà pourquoi l’Apôtre dit : Ne soyez saisis que par une tentation humaine. Or, il est du caractère de l’homme de chercher à savoir quelque chose autrement. »

Toutes ces considérations sont d’une douce profondeur et devraient servir de règle dans le jugement des grandes erreurs que nous offre l’histoire religieuse et philosophique.

Les livres troisième et quatrième sont une réfutation des passages de l’épître de saint Cyprien à Jubaianus contre la validité du baptême des hérétiques. Dans le baptême, il ne faut considérer ni celui qui donne ni celui qui reçoit, mais il faut considérer uniquement ce qui est donné : la puissance du sacrement est indépendante de toute chose. L’interprétation perverse des paroles évangéliques, les erreurs du ministre, n’invalident point le baptême du Christ.

Le cinquième livre traite de la fin de l’épître de saint Cyprien à Jubaianus, de son épître à Quintus, de sa synodique adressée aux évêques de Numidie, et de son épître à Pompéius. Les livres sixième et septième sont consacrés à l’examen du concile de Carthage, tenu sous l’inspiration de saint Cyprien, et des sentences de ce concile au sujet du baptême des hérétiques.

Ce qui frappe dans cet ouvrage, outre la puissance des raisonnements et des explications catholiques d’Augustin, ce sont les pieux et touchants égards de ce génie pour un autre génie chrétien qui se trompa sur un point de la foi, et dont l’erreur était devenue une arme dangereuse entre les mains des donatistes. Le cœur d’Augustin se révèle tout entier dans ces heureux et magnifiques efforts pour excuser un grand homme. Le souvenir du martyre de Cyprien lui apparaît comme sa justification la plus sublime. Combien il se montre tendre et modeste, en combattant l’erreur du grand évêque de Carthage, dont l’autorité ne l’épouvante point parce que l’humilité de Cyprien l’encourage[1] ! Augustin rappelle que Dieu se sert des petits et des insensés afin de confondre les grands et les sages ; et c’est ainsi qu’il y a plus de vérité dans les lettres des pêcheurs que dans les écrits des orateurs. Augustin, dans l’expansive effusion de son âme, demande à Cyprien de prier pour lui, et de lui donner son amour pour la paix de l’Église. S’il proclame quelque chose de vrai contre Cyprien, il le proclame avec toute la terre, et ce n’est pas lui Augustin qui l’a découvert. L’évêque d’Hippone ne voit dans ses propres discours que des essais enfantins[2]. Augustin est aussi grand par son humilité que par son génie.

À la suite de tant de travaux qui vengeaient la foi chrétienne et catholique, et la relevaient dans l’esprit des peuples, la situation de l’Église d’Afrique devenait meilleure. L’erreur cessait d’avoir raison, aucune attaque ne restait sans réponse. « C’est ainsi qu’avec l’aide de Dieu, dit le pieux biographe[3] d’Augustin, l’Église, longtemps opprimée et séduite par les hérétiques, surtout par les donatistes, commença à lever la tête en Afrique. » Possidius ajoute que les hérétiques se jetaient avec une ardeur égale à celle des catholiques sur les ouvrages d’Augustin. Ces ouvrages n’étaient la propriété de personne ; chacun pouvait en faire prendre des copies, et le génie d’Augustin brillait pour tous. La haute doctrine et le doux parfum du Christ, pour nous servir des expressions de Possidius, se répandirent rapidement dans toute l’Afrique, et l’Église d’au delà des mers s’en réjouissait.

  1. Non me terret auctoritas Cypriani, quia reficit humilitas Cypriani. Livre II.
  2. Infantilia rudimenta.
  3. Possidius.