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histoire de saint augustin.

pour être le séjour de la portion purifiée ! Mais si le pur froment est en Afrique, pourquoi les affreux excès des circoncellions, pourquoi tant de vices et de souillures parmi les donatistes ? Jérémie, par ses paroles, appelle le temps où, la moisson faite, la paille sera séparée du bon grain sous les yeux du juge des vivants et des morts.

Les sept livres Du Baptême contre les donatistes méritent notre attention.

Le baptême peut-il être donné en dehors de la communion catholique par des hérétiques ou des schismatiques ? Oui. Les donatistes disaient alors : Si vous, catholiques, vous recevez notre baptême, qu’avons-nous de moins que vous ? — Ce n’est pas votre baptême que nous recevons, leur répondait Augustin, mais c’est le baptême de Dieu et de l’Église. Le baptême ne vous appartient point ; ce qui vous appartient, ce sont vos sentiments dépravés, vos actes sacrilèges, votre séparation impie. La charité vous manque ; la charité sans laquelle tout est inutile, selon l’Apôtre.

Le grand nom de Cyprien revenait souvent sur les lèvres des donatistes. L’illustre évêque de Carthage avait dit qu’un homme baptisé hors de la communion catholique devait recevoir de nouveau le baptême, lorsqu’il revenait à la foi. Il s’était trompé ; alors un concile général n’avait pas encore résolu cette question. Augustin est admirable en parlant de l’erreur de Cyprien : « Le Seigneur, nous dit-il, n’avait pas sur ce point révélé la vérité à Cyprien, pour faire éclater la piété, l’humilité, la charité de ce grand homme, dans la conservation de la paix de l’Église. Cyprien, cet évêque de tant de mérite, de tant de cœur, de tant d’éloquence et de vertus, se trompa sur le baptême ; mais il eut soin de ne pas briser l’unité de l’Église et d’inspirer des sentiments doux et fraternels aux quatre-vingts évêques qui se trompaient avec lui. Si un tel génie s’était séparé de l’Église, quel parti il eût créé ! Que d’hommes se seraient rangés sous un nom pareil ! On se serait appelé plus volontiers cyprianiste que donatiste. Cyprien n’était pas un fils de perdition, mais un fils de paix ! Il y eut donc quelque chose que ne vit point ce grand homme, doué d’une si vive illumination intérieure, pour laisser voir quelque chose de plus sublime encore : la charité ! Je vous montre une voie plus haute, nous dit saint Paul : si je parle la langue des hommes et des anges sans avoir la charité, je serai comme l’airain sonnant, comme la cymbale retentissante. Cyprien pénétra donc un peu moins dans la vérité, pour mieux découvrir l’entrée secrète du sacrement. Mais si, connaissant tous les sacrements, il n’avait pas eu la charité, il n’eût été rien. Malgré ce qui lui a manqué de la vérité, comme il a cependant gardé la charité humblement, fidèlement, fortement, il a mérité de parvenir à la couronne du martyre, afin que si, dans l’humaine condition, quelque nuage avait obscurci la lumière de son intelligence, il fût dissipé par la glorieuse sérénité de son sang éclatant… Quoique ce saint homme eût pensé sur le baptême autrement qu’il le fallait, comme l’ont démontré dans la suite les décisions fondées sur l’examen le plus sérieux et le plus complet, il demeura dans l’unité catholique, se réhabilita par la fécondité de la charité, et fut purifié par la faux du martyre. »

Augustin insiste sur la différence entre l’erreur de Cyprien et l’erreur des donatistes. Cyprien ne sortit jamais des voies de la paix et de l’unité. Les donatistes n’imitent que ce qui a été blâmé dans le grand évêque de Carthage, et n’imitent pas sa persévérance dans l’union catholique.

Dans le deuxième livre Du Baptême l’évêque d’Hippone prouve que les donatistes ont tort d’invoquer en leur faveur l’autorité de saint Cyprien ; le pontife de Carthage a toujours soutenu la nécessité de maintenir l’unité de l’Église. Par une contradiction manifeste, les schismatiques africains s’armaient de l’autorité de Cyprien dans la réitération du baptême, et la repoussaient dans les questions de paix, de concorde et de fraternité ; ils glorifiaient une moitié de l’homme, et rejetaient l’autre moitié. Le même homme dont ils se servaient pour protéger leurs erreurs les condamnait.

Augustin donne des leçons dont tous les siècles peuvent profiter lorsqu’il examine, à propos de saint Cyprien, pourquoi Dieu permet parfois que les grands génies de l’Église se trompent. Dieu le permet pour éprouver leur sentiment à l’égard de l’unité, à l’égard de la vérité. Cette double épreuve a tourné à la gloire de Cyprien. « Si ses écrits ne le disent pas, s’écrie Augustin, ses mérites le témoignent ; si on ne trouve pas la lettre, le martyre l’atteste ; si un concile d’évêques ne le proclame pas, l’assemblée des anges le proclame. Il est mort dans l’unité catholique. Nous sommes hommes ;