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chapitre quatorzième.

une autre, dont le nom ne nous est pas connu, servit à sa division. Ses intrigues, selon le témoignage d’Augustin, aidèrent Maximien, diacre donatiste de Carthage, à faire déposer l’évêque Primien dans l’assemblée de Cabarsus (393), et à se mettre à sa place.

À la fin de sa lettre à Glorius, Augustin dit qu’il n’est au pouvoir de personne d’aller effacer dans le ciel les promesses de Dieu, ni d’anéantir son Église sur la terre.

Le donatisme étant devenu la grande misère de l’Église d’Afrique, Augustin saisissait toutes les occasions de conférer avec des évêques de ce schisme. Après la mort de Profuturus, évêque de Constantine, dont l’amour pour la pauvreté a mérité des louanges, Augustin se mit en route avec son ami Alype, pour lui donner un successeur. Tubursy, par où il passa, avait un évêque donatiste appelé Fortunius, qu’il désirait voir ; il voulut le prévenir à cause de son âge, et se rendit chez lui avec les hommes de sa suite. Lorsqu’on sut dans la ville l’arrivée d’Augustin, la foule se porta vers lui. Le bruit d’une conférence s’était vite répandu. On se précipitait dans la demeure de Fortunius, comme pour assister à un spectacle, plutôt que pour y chercher des lumières religieuses ; à peine un petit nombre arrivait avec la pensée de découvrir la vérité. La dispute entre Augustin et Fortunius commença au milieu d’une confusion extrême ; chacun parlait au hasard, et ni prières ni menaces de la part des deux évêques ne pouvaient obtenir le silence. Ils étaient cependant parvenus à entamer assez sérieusement la matière, mais le manque de greffiers laissait la dispute s’évanouir sans profit pour la plupart des auditeurs. Fortunius ne s’en plaignait pas ; aussi fallut-il insister pour obtenir des scribes, et ceux qui se mirent en devoir d’écrire étaient les moins habiles. Le tumulte, du reste, ne tarda pas à les empêcher de continuer les écritures. Les deux évêques n’en poursuivirent pas moins la conférence. Augustin en donne la substance dans sa lettre adressée à Glorius, à Eleusius et aux deux Félix (398)[1].

Fortunius avait commencé la conférence par un éloge de la manière de vivre d’Augustin, qu’il connaissait d’après les récits de ses amis. Il avait ajouté que les travaux d’Augustin seraient excellents, s’ils étaient faits par un homme qui fût dans l’Église. De là, on vient à examiner quelle est la véritable Église. Sera-ce celle qui, d’après les promesses de l’Ecriture, couvre toute la terre, ou celle qui, renfermée en Afrique, se compose uniquement d’un certain nombre d’Africains ? Fortunius voulait d’abord soutenir que sa communion se trouvait partout ; mais Augustin l’ayant convaincu de son impuissance à lui donner des lettres de communion ou lettres fermées, sorte de passeports catholiques pour toutes les Églises, l’évêque donatiste renonça à ce moyen de défense, qui pourtant décidait de la question. Il s’arma de ces paroles de Jésus-Christ : « Prenez garde aux faux prophètes, car il s’en présentera à vous qu’on prendrait au dehors pour des brebis, mais qui au dedans sont des loups ravissants : vous les reconnaîtrez à leurs œuvres. »

Augustin fit observer à Fortunius qu’il pouvait employer contre lui le même passage. Alors celui-ci parla des persécutions de son parti en des termes fort exagérés ; il voyait dans cette persécution le témoignage de la véritable foi, et s’écriait : « Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux leur appartient ! » Augustin lui prouva que les donatistes n’avaient point souffert pour la justice, puisqu’ils s’étaient séparés sans raison de la communion des plus anciennes Églises du monde, des Églises d’outre-mer. Fortunius répondit que les Églises d’outre-mer avaient commencé à faillir en consentant à la prétendue persécution suscitée par Macaire.

Macaire et Paul, deux personnages de la cour de Constant, avaient été chargés, vers le milieu du quatrième siècle, de distribuer les aumônes impériales aux pauvres des Églises d’Afrique. Il leur arriva d’exhorter les schismatiques à rentrer dans l’unité, ce qui déplut fort à Donat, évêque de Carthage, et à un autre Donat, évêque de Bagaye. Les deux prélats donatistes voulurent s’en venger en déchaînant les bandes des circoncellions. Il était plus facile de lancer à travers le pays ces troupes de furieux, que de les arrêter ensuite ; les circoncellions échappaient à l’autorité des évêques donatistes ; on fut obligé de recourir à la milice impériale pour se défendre contre ces bandes terribles. Macaire et Paul eurent besoin d’une escorte qui protégeât leurs personnes et leurs aumônes ; des soldats de cette escorte ayant été maltraités par les circoncellions, leurs compagnons ne

  1. Lettre 44.