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HISTOIRE DE SAINT AUGUSTIN.

la vérité et les vaines imaginations dont vous êtes prévenus ! »

Augustin définit et explique avec une grande abondance d’idées les quatre vertus : la tempérance, la force, la justice et la prudence.

Après avoir montré à l’homme ses devoirs envers Dieu, il lui montre ce qu’il se doit à lui-même, ce qu’il doit à son prochain. Un second précepte a été donné : « Vous aimerez votre prochain comme vous-même. » L’amour du prochain est comme le berceau où l’amour de Dieu s’accroît et se fortifie. On aime plus facilement le prochain qu’on n’aime Dieu, parce qu’il est plus facile de comprendre le prochain que Dieu. Le prochain, c’est l’homme, c’est une image de nous-mêmes ; Dieu, c’est une beauté, une force, une lumière infinie, qu’on ne comprend qu’après avoir franchi le cercle des choses visibles. C’est à l’amour de Dieu et du prochain que se réduit toute la doctrine des Mœurs.

Les manichéens, comme nous l’avons déjà dit, rejetaient le témoignage de l’autorité, pour ne pas reconnaître les Écritures ; or, ils voulaient qu’on ajoutât foi à leurs propres livres, dont le crédit pourtant ne pouvait être appuyé que sur une certaine autorité. Mais n’y aurait-il pas eu plus de bon sens, de raison, de dignité d’esprit à recevoir des livres, objet de la vénération du monde entier, que des livres sortis on ne sait d’où, et qu’un petit nombre d’hommes seulement connaissait ?

Puisque les manichéens parlaient tant de morale, pourquoi ne pas s’incliner avec respect devant les Écritures où sont renfermés les préceptes qui sont le fondement et la règle de toute morale ? et pourquoi chercher à ravir au christianisme ce qui fait sa principale beauté, sa plus haute gloire aux yeux des hommes ?

La règle de tout chrétien est d’aimer Dieu de toute la puissance de son esprit, et son prochain comme lui-même. Cette morale toute divine resplendit dans l’Église catholique ; Augustin, dans une longue apostrophe[1] à cette véritable mère des chrétiens, proclame les doctrines que l’Église n’a jamais cessé d’enseigner à ses enfants.

Le catholicisme sait former les hommes par des enseignements et des exercices proportionnés aux forces et à l’âge de chacun, proportionnés encore plus à l’âge qui se compte par les divers degrés de l’avancement de l’âme, qu’à celui dont les années sont la mesure. On réserve aux enfants les instructions et les pratiques faciles ; on réserve aux hommes faits les vérités élevées et les exercices forts ; les vieillards reçoivent les lumières pures et tranquilles de la sagesse. L’Église catholique a tout prévu et s’étend à tout dans ses enseignements salutaires. Elle a tracé aux maris et aux femmes des devoirs d’autorité douce et de chaste soumission ; elle a soumis les enfants à ceux de qui il tiennent la naissance ; elle les place sous la domination des parents, dans une espèce de servitude libre, comme l’empire donné sur la famille est tout de tendresse et de douceur. Elle tient les frères encore plus étroitement unis parle lien de la religion que par celui du sang, inspire une bienveillance réciproque à tous ceux que lie la parenté ou l’alliance, et fait subsister l’union des cœurs aussi bien que celle de la nature.

L’Église catholique apprend aux serviteurs à s’attacher à leurs maîtres, bien plus par l’amour de leur devoir que par la nécessité de leur état ; elle inspire aux maîtres de la bonté pour leurs serviteurs, en leur remettant sans cesse devant les yeux que Dieu est le maître commun des uns et des autres ; elle ne se borne pas à unir les citoyens d’une même ville, elle unit encore les différentes nations et tout ce qu’il y a d’hommes sur la terre, non-seulement par les liens de la société civile, mais en les faisant ressouvenir qu’étant tous descendus d’un même père, ils sont tous frères les uns des autres. L’Église catholique apprend aux rois à bien gouverner les peuples, et aux peuples à obéir à leurs rois. C’est en se tenant attaché aux mamelles de l’Église catholique, que l’homme puise une grande force, et se trouve enfin capable de suivre Dieu et de l’atteindre. Tels sont les enseignements, tel est le génie de l’Église catholique ; ils sont demeurés les mêmes depuis qu’Augustin traçait leur sublime caractère à la face de l’univers.

Augustin fait suivre la peinture de la doctrine de la peinture des mœurs. Les manichéens s’offraient au monde comme les seuls vertueux, les seuls purs ; ils ouvraient les yeux sur les désordres de quelques chrétiens, pour les fermer sur la sainteté de ces milliers de fidèles qui, principalement en Orient et en Égypte, étonnaient la terre par le spectacle de leur perfection. Les solitaires, cachés au fond des déserts, n’ayant pour nourriture que du pain et

  1. Chap. 30.