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du juste. » Il ne dit pas seulement : « Celui qui donnera un verre d’eau au dernier des miens ; » il ajoute « en qualité de mon disciple ; en vérité je vous le dis, celui-là ne perdra point sa récompense ( Matth. X, 41, 42). »

Recueillir un prophète, recueillir un juste, donner au disciple un verre d’eau, voilà le don : agir ainsi en vue de leur qualité de prophète, de juste et de disciple, voilà le fruit. C’est le fruit que la veuve offrait à Elie qu’elle savait l’homme de Dieu, et qu’elle nourrissait à ce titre. Et ce n’est que le don qu’il recevait du corbeau dans le désert ( III Rois, XVII, 6, 16). Ce don n’était pas la nourriture de l’homme intérieur, mais de l’homme extérieur, qui, seul en Elie, pouvait défaillir faute de cet aliment.

Chapitre XXVII, Signification des poissons et des baleines.

42. Je veux dire toute la vérité en votre présence, Seigneur. Quand des hommes d’ignorance et d’infidélité, qui ne peuvent être gagnés à votre service que par l’initiation des sacrements et la grandeur des miracles, ces poissons, ces géants de l’abîme, accueillent vos serviteurs, pour nourrir leur faim, pour les soulager dans les besoins de la vie présente, sans connaître quels doivent être la raison et le but suprêmes de l’aumône et de l’hospitalité ; ces infidèles ne donnent et vos enfants ne reçoivent aucune nourriture ; car les uns n’agissent pas dans une volonté droite et sainte, et les autres ne voyant qu’un don et point de fruit, ne ressentent aucune joie. Or, l’âme ne se nourrit que des objets de sa joie. Et voilà pourquoi ces poissons et ces baleines ne sauraient vivre des productions qui ne naissent que d’une terre séparée des eaux de l’abîme et purifiée de leur amertume.

Chapitre XXVIII, Pourquoi Dieu dit que ses œuvres étaient très bonnes ( Gen. I, 31).

43. Et à la vue de toutes vos œuvres, ô Dieu, vous les avez dites très-bonnes. Nous les voyons aussi et nous les trouvons très-bonnes. A chacun de vos ouvrages, en particulier, aussitôt que vous eûtes dit : Qu’il soit ! et aussitôt il fut, vous l’avez vu, et vous l’avez trouvé bon. J’ai compté sept fois écrit que vous aviez trouvé bonne l’œuvre qui sortait de vos mains ; et, la huitième fois, à l’aspect de tous vos ouvrages, vous les avez trouvés, non-seulement bons, mais très-bons dans leur ensemble. Chaque partie, prise isolément, n’est que bonne ; mais l’ensemble est très-bon. Et la beauté de tout objet sensible rend témoignage à votre parole. Un corps, dans l’harmonieuse beauté de tous ses membres, est beaucoup plus beau que chacun de ces membres, dont la beauté particulière concourt à la beauté de l’ensemble.

Chapitre XXIX, Comment Dieu à vu huit fois que ses œuvres étaient bonnes.

44. Et j’ai recherché avec attention s’il est vrai que vous eussiez vu sept ou huit fois que vos œuvres étaient bonnes (car elles vous plaisaient) ; et je n’ai pu découvrir dans votre vue divine aucun temps qui me fît comprendre comment vous avez vu vos œuvres à tant de reprises. Et je me suis écrié : Seigneur, votre Ecriture n’est-elle pas véritable, dictée par vous qui l’êtes, qui êtes la vérité même ? Pourquoi donc me dites-vous que le temps n’est pas dans votre vue ? Et voilà votre Ecriture qui me raconte l’approbation que vous avez donnée jour par jour à l’œuvre de vos mains. Et j’ai compté combien de fois, et j’en ai trouvé le nombre.

Et comme vous êtes mon Dieu, vous me répondez d’une voix forte, d’une voix qui brise ma surdité intérieure, vous me criez : « O homme, mon Ecriture est ma parole. Mais elle parle dans le temps ; et le temps n’atteint pas jusqu’à mon Verbe, qui demeure avec moi dans mon éternité. Ce que tu vois par mon Esprit, c’est moi qui le vois ; et ce que tu dis par mon Esprit, c’est moi qui le dis : mais tu vois dans le temps, et ce n’est pas dans le temps que je vois ; tu parles dans le temps, et ce n’est pas dans le temps que je parle. » (515)