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tant de paroles symboliques, tant d’opérations mystérieuses.

Ce sont là, suivant moi, ces reptiles, ces oiseaux qui s’insinuent parmi les hommes pour les initier et les soumettre aux symboles sacramentels. Mais ils ne pourraient aller au delà, si votre Esprit n’élevait la voix de leur âme à un degré supérieur, et si leur cœur, après les paroles du premier échelon, n’aspirait au faîte de l’échelle sainte.

Chapitre XXI, Interprétation mystique des animaux terrestres ( Gen. I, 24).

29. Et ce n’est plus une mer profonde, c’est une terre séparée par votre Verbe des ondes d’amertume, qui produit, non pas des oiseaux et des reptiles d’âmes vivantes, mais l’âme vive ; car elle n’a plus besoin, comme au temps où elle était cachée sous les eaux, du baptême nécessaire aux païens, cette voie qui seule donne entrée au royaume des cieux, depuis que vous avez interdit tout autre en l’ouvrant. Et cette âme ne demande plus des merveilles extraordinaires pour faire naître sa foi. Elle n’a plus besoin, pour croire, de signes et de miracles visibles ( Jean, IV, 48) : terre de foi, et déjà séparée des flots amers de l’infidélité, que lui importe « le don des langues, témoignage pour les infidèles et non pour les fidèles ( I Cor. XIV, 22) ? »

Et ces oiseaux, que votre parole a tirés des eaux, sont désormais inutiles à cette terre que vous avez affermie au-dessus des eaux. Faites descendre en elle ce Verbe par vos envoyés. Car nous ne pouvons que raconter leurs œuvres, mais c’est vous qui opérez en eux l’œuvre qu’ils produisent : l’âme vivante.

Et la terre produit aussi ; cette terre mystique, cause de l’opération de vos serviteurs sur elle ; comme la mer était la cause de l’opération de ces reptiles d’âmes vivantes et de ces oiseaux dont le vol rase le firmament du ciel. Oiseaux, reptiles, dont cette terre n’a plus besoin, quoiqu’au festin dressé par vous à vos fidèles Ps. XXII, 5), elle mange le poisson mystérieux (Lux, XXIV, 43), tiré des profondeurs de l’abîme pour nourrir la terre. Et les oiseaux, ces enfants de la mer, ne laissent pas de multiplier sur la terre.

Car, si l’infidélité des hommes a été la cause des premières prédications de la bonne nouvelle, les missionnaires de la parole n’en continuent pas moins d’exhorter les fidèles et de multiplier sur eux chaque jour leurs bénédictions. Mais c’est du fond de la terre purifiée que sort l’âme vive : car il n’est profitable qu’aux seuls fidèles de renoncer à l’amour du siècle, pour faire revivre en vous leur âme morte dans la vie de ces délices ( Tim. V, 6), délices mortelles, ô Dieu, vivifiantes délices d’un cœur pur !

30. Que vos ministres travaillent donc sur cette terre, non plus, comme sur les eaux infidèles, par des symboles, des miracles, des paroles mystérieuses, afin d’entretenir la crainte de l’inconnu dans le sein de l’ignorance, mère de l’étonnement ; crainte salutaire, seule entrée qui conduise à la foi les enfants d’Adam, oublieux du Seigneur, et se cachant de sa face (Gen. III, 8) pour devenir un abîme ! Non, plus ainsi ! Mais qu’ils travaillent comme sur une terre nouvelle, séparée des gouffres de l’abîme, qu’ils forment les fidèles sur le modèle de leur vie, qu’ils les invitent à l’imitation de leurs exemples.

Et les fidèles n’entendent plus seulement pour entendre, mais pour pratiquer. « Cherchez le Seigneur, et votre âme vivra (Ps. LXVIII, 33) ; votre terre produira une âme vivante. Ne vous conformez pas au siècle Rom. XII, 2, » tenez-vous-en éloignés ; et votre âme vivra par la fuite des objets dont le désir la fait mourir. Réprimez en vous la violence sauvage de l’orgueil, les molles indolences de la volupté, et les insinuations d’une science menteuse, et voilà les animaux féroces apprivoisés, les chevaux domptés, les serpents sans venin : vivante allégorie des divers mouvements de l’âme. Le faste de la vanité, les séductions de la chair, le venin de la curiosité sont, en effet, les mouvements d’une âme morte, mais dont la mort n’est pas assez complète pour que tout mouvement en elle soit anéanti : elle meurt, il est vrai, en s’éloignant de la source de vie, mais elle a pris la forme du siècle, dont le torrent l’emporte.

31. Votre parole, ô Dieu, source de la vie éternelle, demeure et ne s’écoule point. Aussi, nous défend-elle, elle-même, de nous éloigner d’elle, en nous disant : « Ne vous conformez « pas au siècle, » afin que votre terre, abreuvée à la source de vie, produise une âme vivante, secondée par le Verbe que vos évangélistes ont publié, une âme pure, imitatrice des imitateurs (510) du Christ. Et tel est le sens de ces mots : « Selon