Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/489

Cette page n’a pas encore été corrigée

Chapitre VII, Le verbe divin, fils de Dieu, coéternel au Père.

9. Vous nous appelez donc plus haut ; vous nous appelez à l’intelligence du Verbe-Dieu, Dieu en vous, Verbe qui se prononce et prononce tout de toute éternité ; parole sans fin, sans succession, sans écoulement ; qui dit éternellement, et tout à la fois, toutes choses. Autrement le temps et la vicissitude seraient en vous, et, dès lors, plus de véritable éternité, plus de véritable immortalité. C’est ainsi, je le sais, mon Dieu, et grâces à vous ! Je le sais, et vous bénis, Seigneur, et, avec moi, quiconque n’a pas un cœur ingrat au bienfait éclatant de votre lumière.

Nous savons, Seigneur, nous savons que, n’être plus ce qu’on était, qu’être ce qu’on n’était pas, c’est là naître et mourir. Aussi, rien en votre Verbe ne passe, rien ne succède, parce qu’il est immortel, parce qu’il est éternel en vérité. Et c’est par ce Verbe, coéternel avec vous, que vous dites, de toute éternité, et tout à la fois, toute ce que vous dites, et qu’il est ainsi que vous dites. Et votre parole est votre seule action ; et néanmoins ce n’est ni tout à la fois, ni de toute éternité, que s’est accomplie l’œuvre de votre parole.

Chapitre VIII, Le verbe éternel est notre unique maître.

10. Eh ! comment cela, Seigneur mon Dieu ? J’entrevois bien quelque chose, mais comment l’exprimer ? je l’ignore. N’est-ce point que tout être qui commence et finit, ne commence et ne finit d’être qu’au temps où la raison, en qui rien ne finit, rien ne commence, la raison éternelle connaît qu’il doit commencer ou finir ? Et, cette raison, c’est votre Verbe, le principe de tout, la voix intérieure qui nous parle (Jean VIII, 25) ; comme lui-même l’a dit dans l’Evangile par la voix de la chair ; comme il l’a fait entendre humainement à l’oreille des hommes, afin que l’on crût en lui, qu’on le cherchât intérieurement, et qu’on le trouvât dans l’éternelle vérité, où ce bon, cet unique maître des âmes enseigne tous ses disciples.

C’est là, Seigneur, que j’entends votre voix me dire : Que la vraie parole est celle qui nous enseigne ; et que la parole qui n’enseigne pas, n’est plus une parole. Or, qui nous enseigne, sinon l’immuable vérité ? car la créature changeante ne nous instruit qu’en tant qu’elle nous amène à cette vérité stable, notre lumière, notre appui, notre joie ; la voix de l’Epoux (Jean III, 29), qui nous réunit à notre principe. Et il est ce principe, et sans son immuable permanence nous ne saurions où revenir de nos égarements. Or, quand nous revenons de l’erreur, c’est la connaissance qui nous ramène ; et il nous enseigne cette connaissance, parce qu’il est le principe et la voix qui nous parle.

Chapitre IX, Le verbe parle à notre cœur.

11. C’est dans ce Principe, ô Dieu, que vous avez fait le ciel et la terre ; c’est dans votre Verbe, votre Fils, votre vertu, votre sagesse, votre vérité ; par une parole, par une opération admirable. Qui pourra comprendre cette merveille ? qui pourra la raconter ? Quelle est cette lumière qui par intervalle m’éclaire, et frappe mon cœur sans le blesser ; le glace d’épouvante, et l’embrase d’amour : épouvante, en tant que je suis si loin ; amour, en tant que je suis plus près d’elle ?

C’est la sagesse, la sagesse elle-même, dont le rayon déchire par intervalle les nuages de mon âme, qui, souvent infidèle à cette lumière, retombe dans ses ténèbres, sous le fardeau de son supplice : car ma détresse a épuisé mes forces (Ps. XXX, 2) ; je suis incapable même de porter mon bonheur, tant que votre pitié, Seigneur, secourable à mes iniquités, n’aura pas « guéri toutes mes langueurs. Mais vous rachèterez ma vie de la corruption ; vous me couronnerez de compassion et de miséricorde ; vous rassasierez de vos biens tout mon désir ; et ma jeunesse sera renouvelée comme celle de l’aigle (Ps. CII, 3-5) ; » car l’espérance est notre salut ; et nous attendons vos promesses en patience (Rom. VIII, 24, 25). Entende en soi qui pourra votre parole intérieure, moi je m’écrie, sur la foi de votre oracle : « Que vos œuvres sont glorieuses, Seigneur ! Vous avez tout fait dans votre Sagesse (Ps. CIII, 24). » Elle est le principe ; et c’est dans ce principe que vous avez créé le ciel et la terre. (477)