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Et, dans tous ces objets que je parcours à la clarté de votre lumière, je ne trouve de lieu sûr pour mon âme qu’en vous ; il n’est que vous, où mon être épars puisse se rassembler pour y demeurer à jamais tout entier. Et parfois vous me pénétrez d’un sentiment étrange, douceur inconnue, qui, devenant en moi parfaite et durable, serait je ne sais quoi qui ne serait plus cette vie. Mais je retombe sous le poids de ma chaîne, et le torrent m’entraîne, et je suis lié ; et je pleure, et mes larmes ne relâchent pas mes liens. Le fardeau de l’habitude m’emporte au fond. Où je puis être, je ne veux ; où je veux, je ne puis ; double misère.

Chapitre XLI, Ce qui le rejetait loin de Dieu.

66. Et j’ai reconnu dans cette triple convoitise la source de mes coupables infirmités, et j’ai demandé mon salut à votre bras. Car j’ai vu votre gloire avec un cœur blessé, et, tout ébloui, j’ai dit : Qui peut voir jusque-là ? Et j’étais rejeté loin de la splendeur de vos regards (Ps. XXX, 23). Vous êtes la Vérité qui préside sur toutes choses. Et mon insatiable avarice ne voulait pas vous perdre ; elle voulait posséder le mensonge avec vous. Ainsi le menteur ne veut pas que la vérité lui soit inconnue. Je vous avais donc perdu, parce que vous ne souffrez pas qu’on vous possède sans répudier l’héritage du mensonge.

Chapitre XLII, Égarement des superbes qui ont eu recours aux anges déchus comme médiateurs entre Dieu et les Hommes.

67. Qui trouver, capable de me réconcilier avec vous ? Devais-je solliciter les anges ? et par quelles prières ? par quels sacrifices ? Plusieurs, ai-je ouï dire, travaillant pour revenir à vous, et ne le pouvant d’eux-mêmes, ont tenté cette voie, et, tombés bientôt dans un désir curieux de visions étranges, ils ont mérité d’être livrés à l’illusion. Superbes, ils vous cherchaient avec tout le faste de la science, le cœur haut et non contrit ; la conformité d’esprit a attiré sur eux les complices de leur orgueil, les puissances de l’air (Ephés. II, 2), dont les prestiges les ont égarés lorsqu’ils cherchaient un médiateur, médecin de leur âme, sans le trouver ; car ils n’avaient devant eux que le diable transfiguré en ange de lumière (II Cor. XI, 14).

Chair superbe, ce qui l’a séduite, c’est que le séducteur n’était pas revêtu de chair ! Hommes mortels et pécheurs ! Mais vous, Seigneur, dont ils cherchaient la paix avec orgueil, vous êtes indépendant de la mort et du péché. Or, il fallait au médiateur entre l’homme et Dieu ( I Tim. II, 5) une ressemblance avec Dieu et une ressemblance avec l’homme. Entièrement semblable à l’homme, il était loin de Dieu ; entièrement semblable à Dieu, il était loin de l’homme — ; il n’était plus médiateur. Ainsi ce faux médiateur, à qui votre justice secrète permet de séduire l’orgueil, a quelque chose de commun avec l’homme : c’est le péché ; il prétend quelque chose de commun avec Dieu : libre du vêtement charnel de la mortalité, il se donne pour immortel. Mais, comme « la mort est la solde du péché (Rom. VI, 23), il entre, par la communauté du péché, dans la communauté de la mort.

Chapitre XLIII, Jésus-Christ seul médiateur.

68. Mais le Médiateur de vérité, que le secret de votre miséricorde a fait connaître aux humbles, et que vous avez envoyé pour leur enseigner, par son exemple, l’humilité même, ce Médiateur de Dieu et des hommes, JÉSUS-CHRIST homme, est apparu entre les pécheurs mortels et le JUSTE immortel, mortel avec les hommes, Juste avec Dieu ; et comme la vie et la paix sont la solde de la justice, par la justice qui l’unit à Dieu, il est venu ruiner dans les impies justifiés la mort dont il voulut être comme eux tributaire. C’est lui qui a été montré de loin aux saints des anciens jours, pour qu’ils fussent sauvés par la foi au sang qu’il devait répandre, comme nous le sommes par la foi en son sang répandu. Car ce n’est qu’en sa qualité d’homme qu’il est médiateur ; en tant que Verbe, il n’est plus terme MOYEN, il est ÉGAL à Dieu, Dieu en Dieu, et avec le Saint-Esprit un seul Dieu.

69. Oh ! de quel amour nous avez-vous donc aimés, Père infiniment bon ? vous n’épargnez pas votre Fils unique, vous le livrez pour nous, pécheurs que nous sommes ( Rom. VIII, 32). De quel amour (472) nous avez-