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histoire de saint augustin.

le peu de confiance qu’on doit mettre dans l’homme, l’oubli de soi et la charité pour tous, les ravissements de la paix intérieure et d’une bonne conscience, les joies de la solitude et du silence, le détachement des biens visibles et la patience dans les maux, les élans du cœur vers la beauté éternelle et immuable, la tendre et sublime causerie de l’âme avec son Dieu, tout ce qu’il y a de doux, de profond et de consolateur dans cet ouvrage qui n’a pas d’auteur connu, comme si le ciel eût voulu le disputer à la terre, toute cette délicieuse étude des plus secrètes ressources chrétiennes est remplie de l’âme de saint Augustin. Quand je lis l’Imitation de Jésus-Christ, il me semble que c’est Augustin qui me parle.

En achevant cet ouvrage, quelque chose de triste se remue dans mon cœur. Je vais quitter un ami sublime et bon avec qui depuis longtemps je conversais ; mes jours et souvent mes nuits se passaient à écouter saint Augustin, à interroger son génie, à le suivre dans la diversité de ses pensées et de ses soins ; je m’étais fait son contemporain, son disciple, le témoin de ses travaux et de ses vertus, le compagnon de tous ses pas en ce monde ; et voilà que d’année en année, de labeur en labeur, de combats en combats, j’ai vu ce grand homme descendre dans la tombe ou plutôt monter vers Dieu ! et ces dernières pages sont comme des parfums apportés à un tombeau ! et ce que j’aimais a disparu, et comme les hommes de Galilée après l’ascension du divin Maître, je me tiens debout sur la montagne, et je cherche saint Augustin dans le ciel ! De tous les maîtres de la science religieuse, l’évêque d’Hippone est celui qui m’a fait le mieux comprendre le christianisme, qui m’a introduit le plus avant dans le monde invisible. La reconnaissance a quelquefois élevé des monuments à une mémoire ; mes mains sont trop faibles, pour bâtir des pyramides ; tout ce que j’ai pu faire, c’est de graver sur une pierre fragile comme mes jours le grand nom de saint Augustin, en souvenir du bien que j’en ai reçut !

Le genre humain, placé dans les temps comme une sorte de mer vivante, apparaît calme ou troublé, selon la paix ou les orages ; de l’âme humaine, et le passage des siècles s’accomplit avec un retentissement monotone : chaque siècle apporte son éclat, qu’il emprunte au génie et à la vertu, et sur l’océan des âges ces rayonnements de l’intelligence ou du cœur se succèdent vite. Les mêmes révolutions et le même fracas se renouvellent chez les hommes sous des noms divers ; les empires n’ont qu’un même bruit pour s’écrouler, et le genre humain marchera de ce pas jusqu’au bout. La monotonie de ce spectacle serait peu digne de notre âme, nous aurions le droit de le prendre en dégoût, si de temps en temps le doigt de Dieu ne se révélait dans ces page, si au fond des, événements la vérité ne faisait pas toujours son œuvre, et surtout si la vie de l’homme n’était pas un acheminement à des destinées immortelles. Aussi notre reconnaissance doit monter avec ardeur et énergie vers les intelligences supérieures qui, instruites par la divine parole, nous ont fait voir la raison et le but de notre course sur la terre. Nul génie (nous ne parlons pas des auteurs sacrés) n’a contribué autant que saint Augustin à faire connaître aux hommes la vérité : parmi les noms d’ici-bas, il n’en est point qu’une bouche humaine doive prononcer avec plus d’admiration et d’amour !


fin de l’histoire de saint augustin.

    ques détails sur ces manuscrits dans un ouvrage de patiente et curieuse érudition, intitulé : Abbaye d’Anchin, récemment publié par M. Escalier.