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histoire de saint augustin.

d’histoire naturelle. Cette dent molaire, qui en eût fait cent des nôtres, avait probablement appartenu à quelque animal antédiluvien.

Le tableau de la naissance et des progrès de la cité de Dieu jusqu’à l’avènement du Messie est une appréciation des saints personnages de l’Ancien Testament. Puis viennent les commencements et les progrès de la cité de la terre, depuis la monarchie des Assyriens jusqu’aux époques chrétiennes. Le Discours sur l’histoire universelle de Bossuet est tout entier dans cette manière de produire l’histoire humaine.

Moïse est plus ancien que toutes les fables mythologiques ; elles ne naquirent qu’au temps des Juges. La Grèce eut alors des poètes appelés aussi théologiens, parce qu’ils chantaient les dieux. Les prophètes hébreux sont plus anciens que les philosophes ; Pythagore ne paraît qu’à la fin de la captivité de Babylone. Nos auteurs sacrés sont tous d’accord en religion ; les philosophes ne le sont pas du tout dans leurs doctrines. Varron avait compté deux cent quatre-vingt-huit opinions philosophiques touchant le souverain bien. Athènes applaudissait en même temps les épicuriens, d’après lesquels les dieux ne s’occupaient point des choses humaines, et les stoïciens, d’après lesquels les dieux gouvernaient le monde. La Providence se servit de Rome comme d’un puissant instrument, pour dompter et rassembler les diverses nations sous une même loi ; elle préparait ainsi les voies à Jésus-Christ. Cette belle pensée, plus d’une fois reproduite par les penseurs chrétiens des âges modernes, est de l’évêque d’Hippone. Les païens avaient assigné au christianisme trois cent soixante-cinq ans de durée ; les autels de Jésus-Christ devaient ensuite disparaître. Augustin se moque de la prophétie des polythéistes ; il y avait alors plus d’un demi-siècle qu’était passée l’époque marquée pour l’extinction de la foi chrétienne, et ses progrès ne faisaient que s’étendre à travers le monde. Les prophètes contre le christianisme n’ont jamais eu raison, et pourtant à chaque époque il s’en élève de nouveaux.

Le livre dix-neuvième renferme des vues originales et profondes sur la paix à laquelle toute chose aspire en ce monde, et dont le besoin est au fond de chaque âme humaine, quelle que soit, la violence des passions qui l’emportent. Les méchants se précipitent vers le crime dans l’espoir de jouir ensuite d’une certaine paix. Cacus, au fond de son antre, désirait jouir en paix des débris humains devenus sa proie. Il y a une sorte de paix dans la condition des damnés, parce qu’ils sont à leur place : il est dans l’ordre qu’ils soient séparés de Dieu. Amené à parler de l’ordre dans les sociétés, Augustin dit que la servitude n’est pas conforme aux lois primitives de la nature : c’est une peine du péché, une dégénération de l’homme. Dieu avait dit : « Que l’homme domine sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux de la terre. » Mais il n’avait pas dit : Que l’homme domine sur l’homme. C’est le crime du fils de Noé, qui jadis valut à un homme le nom flétrissant d’esclave. Tout progrès vers le bien, d’après les doctrines d’Augustin, serait donc un progrès vers la liberté. Les idées se presseraient ici sous notre plume, si nous voulions prouver que les futures améliorations des sociétés sont entièrement soumises aux progrès de la foi chrétienne chez les hommes.

Le vingt et unième chapitre du livre xix- siècle démontre que, par une ignorance du vrai Dieu et faute de justice, la république romaine n’a jamais été qu’un mot ; la définition de la république par Cicéron sert de point de départ à l’évêque d’Hippone. Le livre xx- siècle établit la doctrine du jugement dernier ; le livre xxi- siècle établit le dogme des peines éternelles, et le livre xxii- siècle et dernier la résurrection des corps et l’immortelle félicité des élus. Au sujet des damnés dont le corps brûlera sans se consumer, le docteur, cherchant des preuves dans la nature même, parle de certains vers qui vivent au milieu des sources d’eau bouillante, de la salamandre vivant dans les flammes, du paon dont la chair une fois cuite ne peut plus se corrompre : ce sont là les petits côtés d’une grande œuvre d’où n’a été exclu rien de ce qui, même dans les imaginations populaires, pouvait paraître servir la cause de la vérité, Pour prouver l’immortelle durée des corps au milieu des flammes, nous aimons mieux entendre Augustin nous dire que le Créateur de l’univers et de l’homme pourra bien, s’il le veut, conserver les corps des damnés.

Le grand docteur ne met pas en doute que les satyres, les faunes et les sylvains, surnommés incubes, ne poursuivent quelquefois les femmes : il ne voyait que des démons dans ces créations de l’ancien monde païen.

Le chapitre vingt-quatrième du dernier livre