Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
251
chapitre quarante-cinquième.

qu’au commencement de sa conversion le fils de Monique avait pensé comme le fils de Mémorius. Le grand évêque lui répond que depuis sa conversion sa croyance sur ce point a toujours été la même, et le renvoie à ses ouvrages d’une date antérieure à son élévation au sacerdoce : il connaissait peu alors les saintes Écritures, et n’avait fait que se conformer su sentiment de toute l’Église[1].

À la fin de ce sixième livre, qui termine avec tant de puissance l’ouvrage contre Julien, Augustin pense avoir répondu à tout ; il croit que l’évêque pélagien en conviendra s’il n’est pas opiniâtre. Julien avait osé dire qu’il s’était placé dans les rangs des saints patriarches, des prophètes, des apôtres, des martyrs et des prêtres ; et les patriarches enseignent que des sacrifices sont offerts pour les péchés des petits enfants, parce que l’enfant d’un jour n’est pas lui-même exempt de souillure ; et les prophètes disent qu’ils ont été conçus dans l’iniquité ; et les apôtres, que le baptême en Jésus-Christ fait mourir au péché et vivre en Dieu, et les martyrs, que les enfants nés de la race d’Adam deviennent sujets à l’antique mort, et que le baptême efface non point des péchés qui leur soient propres, mais des péchés d’autrui ; enfin, les prêtres répètent que les hommes venus au monde par la voie de la chair subissent le mal du péché avant de jouir du bienfait de cette vie. Julien voulait donc entrer dans la société de ceux dont il combattait la foi ! « Vous vous trompez, mon fils, lui dit Augustin, vous vous trompez misérablement, vous vous trompez d’une manière détestable ; quand vous aurez vaincu l’animosité qui vous tient, vous pourrez alors tenir la vérité par laquelle vous serez vaincu. »

Que de vigueur et de verve dans ces six livres écrits par un homme qui commençait à sentir les rudes atteintes de la vieillesse ! Inflexible comme la vérité, Augustin ne laisse à Julien le profit d’aucune de ses divagations, de ses inexactitudes, le profit d’aucun de ses mensonges. Aussi grand par la dignité de son langage que par son éloquence et la forte abondance de ses idées et de ses preuves, il cloue son adversaire dans le cercle de la doctrine catholique. On entrevoit déjà la plaie profonde faite à l’orgueil de Julien, que la passion de je ne sais quelle triste gloire, bien plus que la passion du vrai, conduisit à cette polémique. Une fois engagé dans la lutte, plus rien ne lui coûta ; les inventions les plus absurdes déshonorèrent sa controverse et de belles qualités d’esprit. Julien s’armait de la calomnie comme on ceint le glaive des batailles. N’avait-il pas imaginé de montrer le vénérable Alype passant d’Afrique en Italie pour corrompre de ses présents les juges et les puissances catholiques, et s’en allant offrir aux grands de la cour impériale de nombreux coursiers engraissés aux dépens des pauvres sur le sol africain ? Ceux qui avaient rencontré Alype les mains vides, seul avec son zèle et sa pieuse fidélité, s’étonnaient de l’audace de Julien.

Au milieu de ces désordres et de ces rébellions dans le monde religieux, les fidèles étaient parfois troublés ; on faisait la nuit autour d’eux ; ils avaient de la peine à reconnaître leur chemin. Plus d’un catholique dut souhaiter un petit ouvrage qui renfermât la doctrine à suivre et les devoirs à remplir. C’est ce que demanda à l’évêque d’Hippone le chef des notaires de l’Église de Rome, Laurentius, homme instruit et religieux. Dans sa lettre à Augustin, Laurentius lui exprimait le désir d’avoir un Manuel qui dît beaucoup de choses en peu de mots, qui lui marquât la conduite à tenir vis-à-vis des hérésies, et déterminât en quoi la raison marche avec la religion, en quoi elle se trouve trop faible pour la suivre. Laurentius voulait savoir quels étaient le commencement et la fin de nos espérances, quel était le véritable et premier fondement de la foi catholique. La réponse d’Augustin fut un livre que Laurentius devait toujours porter sur lui, ainsi qu’il l’avait désiré ; ce fut une sorte de catéchisme, comme pouvait en faire un homme de génie.

Le culte de Dieu[2], c’est ce qui constitue la sagesse de l’homme. On doit servir Dieu par la foi, l’espérance et l’amour. Le Manuel d’Augustin eut donc pour but d’expliquer ce qu’il faut croire, ce qu’il faut espérer, ce qu’il faut aimer.

Ce Manuel ne renferme aucune idée qui n’ait passé sous nos yeux depuis le commencement de notre travail, et nous ne pouvons pas nous y arrêter ; mais c’est un excellent abrégé de la doctrine chrétienne, un chef-d’œuvre dans ce genre.

En ce temps où le mensonge joue un grand rôle dans les gouvernements humains, on aime à entendre l’auteur du Manuel nous dire :

  1. Livre vi, chap. 12.
  2. Θεοσδεία.