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chapitre quarante-troisième.

veloppe toute créature, avant que le baptême l’ait délivrée. »

Sixte, prêtre de Rome, qui dans la suite remplaça Célestius sur le siège apostolique, avait donné lieu à quelques incertitudes sur la pureté de sa foi dans la question pélagienne ; les surprises de ce pieux et savant prêtre durèrent peu ; une lettre de Sixte au primat Aurèle, portée en Afrique par l’acolyte Léon, qui fut depuis le pape saint Léon, avait témoigné de son attachement à la doctrine de la grâce chrétienne ; mais une autre lettre plus étendue, adressée à Augustin et dirigée contre le pélagianisme, était venue remplir de joie le zélé pontife d’Hippone. Augustin écrivit[1] à Sixte pour lui exprimer tout son bonheur ; son ardent attachement à la cause de la vérité éclate à chaque ligne de sa lettre. L’erreur était la tristesse d’Augustin, la vérité était sa joie. Dans le courant de la même année, l’évêque d’Hippone adressa au prêtre de Rome une nouvelle lettre[2] qui traitait à fond la question pélagienne et devait compléter les études de Sixte sur le mystère de la grâce chrétienne.

Le diacre Célestius, qui succéda au pape Boniface en 423, avait écrit à l’évêque d’Hippone une lettre pleine de respectueux et tendres témoignages. Augustin lui répond[3] par une peinture de la charité, ce lien des cœurs religieux, cette dette envers le prochain dont on n’est jamais quitte, parce que les devoirs de la charité se renouvellent chaque jour. Mercator, le laïque africain dont le P. Garnier a publié les ouvrages contre les pélagiens et les nestoriens, se trouvait alors en Italie ; pendant qu’Augustin était retenu à Carthage par les graves intérêts de la foi, il reçut de cet ancien disciple une lettre à laquelle il n’eut pas le temps de répondre ; à son retour de Césarée, il trouva une seconde lettre de Mercator, qui reprochait affectueusement à son maître un silence dont il ignorait la cause. Un livre contre les pélagiens accompagnait cette seconde lettre. On peut croire qu’à cette époque Mercator en était à ses premiers essais de polémique religieuse, car Augustin[4] semble quelque peu étonné de trouver en lui un défenseur de l’Église catholique, et se félicite de voir s’élever de toutes parts de nouveaux athlètes de Jésus-Christ. Il répète avec l’Écriture[5] que c’est la multitude des sages qui fait le bonheur de la terre, et encourage Mercator à continuer ses luttes au profit de la vérité. L’évêque d’Hippone résout quelques difficultés dont les pélagiens faisaient grand bruit. On retrouve dans cette lettre la maxime qu’il faut toujours être prêt à apprendre, quoiqu’on se mêle d’enseigner. « Il vaut mieux, dit-il, pour l’homme, se corriger en se faisant petit, que de se laisser briser en se faisant dur. » Le grand docteur rappelle que celui qui plante et celui qui arrose ne sont rien, puisque Dieu seul donne l’accroissement : « Si cela est vrai, ajoute-t-il, des apôtres qui ont planté et arrosé les premiers, et avec tant de succès, que sommes-nous, vous et moi, et qui que ce soit de ce temps-ci ? et nous prendrons-nous pour quelque chose, quoique nous nous mêlions d’enseigner ? » L’humilité de ce puissant génie est un spectacle devant lequel on aime toujours à s’arrêter.

Nous l’avons déjà vu plus d’une fois, c’est surtout à Augustin qu’on s’adressait en Afrique, lorsqu’il fallait écrire pour établir une vérité. Asellicus, évêque de la province Bizacène, avait demandé à Donatien, son primat, quelques explications sur la position des chrétiens à l’égard du judaïsme ; Donatien pria Augustin de répondre à Asellicus. L’évêque d’Hippone, dans sa réponse[6], développe la théologie de saint Paul sur l’ancienne et la nouvelle alliance.

À chaque grande transformation des sociétés humaines, à chaque phase nouvelle dans l’histoire du monde, des pressentiments du dernier jour de l’univers agitent les esprits. Ainsi que nous avons eu occasion de le remarquer, le Ve siècle, travaillé par un immense et profond changement, croyait aux approches de la fin des temps.

Des phénomènes arrivés en 418 et 419 avaient jeté les imaginations dans des terreurs infinies. On s’était épouvanté de l’éclipse de soleil du 19 juillet 418, éclipse si complète, qu’on vit les étoiles comme au milieu de la nuit ; elle produisit une chaleur[7] qui donna la mort à beaucoup d’hommes et de bestiaux. Des tremblements de terre en Orient et en Occident, l’apparition de Jésus-Christ sur le mont des Olives[8], prenaient aux yeux de la multitude le caractère d’infaillibles présages. L’évêque d’Hippone, prêchant à Carthage dans la basi-

  1. Lettre 191.
  2. Lettre 194.
  3. Lettre 192.
  4. Lettre 193.
  5. Sap., vi, 26.
  6. Lettre 196.
  7. Philostorge.
  8. Voyez notre Histoire de Jérusalem, chap. 27.