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chapitre trente-huitième.

dans son erreur, voulut entreprendre de le ramener et de le prendre sur le terrain des questions et des réponses précises, au lieu de le frapper brusquement. Célestius semblait s’être soumis d’avance à des avertissements utiles, quand il avait écrit ces paroles dans son mémoire à Zozime : « Si quelque erreur vient à surprendre mon ignorance, comme il arrive aux hommes, que votre jugement la corrige. » Zozime agit donc avec Célestius, dit Augustin, comme avec un homme enflé par le vent d’une fausse doctrine ; il l’invita à condamner ce que lui avait reproché le diacre Paulin, dans l’assemblée de Càrthage, en 411, et à se soumettre aux lettres d’Innocent ; l’hérésiarque se refusa à la première de ces demandes, et n’osa pas résister à la seconde ; il promit même de condamner tout ce que ce siège condamnerait. Selon Augustin, Zozime traita Célestius comme un frénétique, à l’égard de qui on use de douceurs pour lui donner du repos[1]. Il maintint cependant l’excommunication prononcée par Innocent, et renvoya à deux mois la solution définitive de cette affaire, afin de se donner le temps d’écrire en Afrique et de recevoir les réponses.

Nous n’avons pas à nous demander pourquoi Zozime anathématisa tout d’abord Héros et Lazare, les deux célèbres dénonciateurs de Célestius, et pourquoi il accusa de précipitation Aurèle et les évêques d’Afrique, les plus illustres appuis du monde chrétien. Dans la lettre qu’il écrivait aux évêques africains en faveur de Célestius, le pontife de Rome citait l’exemple de Suzanne, faussement accusée et justifiée miraculeusement ; il disait qu’il ne fallait pas croire tout esprit, mais qu’il fallait examiner longtemps, lorsqu’il s’agissait de la foi d’un homme. Il était d’un meilleur esprit, ajoutait Zozime, de croire difficilement le mal une condamnation précipitée expose à d’incurables blessures. Enfin, après avoir donné aux évêques d’Afrique des leçons de prudence et de modération sous diverses formes, il les invitait à se défier de leur propre jugement, et à se soumettre davantage aux saintes Écritures et à la tradition[2].

Pour ajouter à la confusion autour de Zozime, de pieuses voix parties d’Orient venaient lui recommander la cause de Pélage. La présence de Pélage à Jérusalem avait toujours empêché les évêques de la ville sainte de bien apprécier cette question ; Prayle, ainsi que beaucoup d’autres, séduits par les adroits mensonges du moine breton, voyaient en lui un catholique dont on méconnaissait les sentiments, et le présentait comme tel à la justice du pontife de Rome ; c’est à Innocent que l’évêque de Jérusalem avait écrit ; la lettre ne put être remise qu’à son successeur. Pélage adressait aussi au Pape une justification[3] ; il ne voulait pas que nul ne fût assez impie pour refuser aux enfants la rédemption commune à tout le genre humain, mais il trouvait toujours le moyen de laisser dans les obscurités du doute le dogme du péché originel. Tout en reconnaissant le secours de Dieu dans les bonnes actions de l’homme, il s’abstenait de définir ce secours ; ce qui laissait à son hérésie une grande facilité. Pélage rappelait sa lettre à Innocent comme complément de l’exposition de sa foi ; mais cette lettre même ne renfermait ni une croyance positive au péché originel ni une reconnaissance précise de la grâce : elle avait pour but de tromper les simples, selon l’expression de saint Jérôme[4] : Zozime écrivit donc aux évêques d’Afrique en faveur de Pélage, et nous comprenons très-bien que les équivoques du moine breton l’aient abusé ; nous nous expliquons moins facilement sa méprise à l’égard de Célestius, dont l’audacieuse parole dédaignait les ressources de l’ambiguïté.

Dans sa lettre[5] sur Pélage, le pape parle d’abord de la profession de foi qu’il a reçue du moine breton, et dont la lecture a été publique. « Plût à Dieu, dit-il aux évêques d’Afrique, que l’un de vous eût pu assister à cette lecture ! Quelle fut la joie, quelle fut l’admiration des saints hommes qui étaient là ! Quelques-uns d’entre eux pouvaient à peine retenir leurs larmes, en songeant que de tels sentiments avaient été poursuivis. » En regard de ce Pélage, indignement attaqué, Zozime montre Héros et Lazare, qu’il appelle des tourbillons et des tempêtes[6]. Il suppose que les évêques d’Afrique ont été trompés par les prélats des Gaules, dont la vieille habitude, dit-il, est d’attaquer l’innocence ; le pape cite des exemples de ces accusations calomnieuses.

  1. Du péché originel. liv. {sc|ii}}, ch. 6.
  2. Appendix, tome X, Œuvres de saint Augustin, édit. des Bénédictins, p. 98 et 99.
  3. Appendix, tome X, p. 96.
  4. Commentaires sur Jérémie.
  5. Appendix, tome X, p. 100.
  6. Turbines Ecclesiæ vel procellæ.