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chapitre trente-troisième.

les catholiques ; ils se croyaient tous menacés, et la foule éperdue s’était réfugiée autour des autels du Christ. Augustin se trouvait dans la basilique catholique, travaillant à écarter les dangers de ses amis et de tout le peuple catholique. Plus d’une fois il visita Marcellin dans sa prison, et comme sa position était périlleuse, il l’interrogea sur les secrets de sa conscience et lui apporta les sacrements[1].

Le comte Marin, dont les intentions étaient perverses, laissait dire que l’envoi d’un évêque à la cour de l’empereur pouvait tout arranger, et que jusqu’à son retour le procès des deux captifs resterait tel quel. Un évêque était parti pour l’Italie ; mais cette mission, sur laquelle Augustin avait fondé de l’espérance, n’était qu’un jeu de la part du comte Marin. D’un autre côté, Cécilien, ami du comte, n’en obtenait que des paroles de paix et de pardon, et rassurait la tendresse alarmée d’Augustin. Le seul adoucissement aux anxiétés de l’évêque d’Hippone, c’était le spectacle des saintes joies de la conscience de Marcellin, pendant que le juge souffrait intérieurement de l’horreur de son crime : « Les ténèbres des cachots les plus noirs et de Venter même, dit Augustin, n’approchent pas de l’horreur et des ténèbres vengeresses qui règnent dans la conscience du méchant[2] »

Tandis que mille combinaisons menteuses se réunissaient pour nourrir ses espérances, tout à coup Augustin apprend que Marcellin et son frère ont été mis à mort ; le comte. Marin, afin de dérober les deux illustres prisonniers à l’intercession des évêques, choisit pour l’exécution le lieu le plus proche, et improvisa subitement le meurtre. Augustin se hâta de sortir de la ville où venait de se commettre une grande iniquité ; son départ ne compromettait la vie de personne, les catholiques effrayés étant défendus par l’inviolabilité du saint asile. Il savait qu’il ne lui était pas permis de parler en évêque au comte Marin, et ne voulait pas s’avilir au point de paraître en posture de suppliant devant ce grand coupable pour solliciter sa pitié en faveur d’autres malheureux. On prétendait obliger l’évêque de Carthage à s’humilier en présence du bourreau de Marcellin ; Augustin nous avoue qu’il ne put pas supporter la pensée d’un pareil abaissement. Le comte Marin expia son crime dès ce monde ; il acheva ses jours dans la triste obscurité d’une disgrâce.

Dans sa lettre à Cécilien, qui croyait avoir eu à se plaindre de Marcellin et de son frère, et dont le rôle auprès du comte Marin n’est pas à l’abri des soupçons de l’histoire, Augustin loué avec effusion l’ami qu’il a si déplorablement perdu. Il exalte la pureté des mœurs de Marcellin, la sûreté de son amitié, son amour pour la vérité, l’intégrité de ses jugements, sa patience envers ses ennemis, son enthousiasme pour les bonnes actions, sa piété, sa modestie, son ardeur pour les choses éternelles. L’Église a inscrit son nom sur la liste des martyrs, et la mémoire de Marcellin se présente à la postérité sous la garde du génie et de la sainteté de l’évêque d’Hippone.




CHAPITRE TRENTE-QUATRIÈME.




Lettre à saint Paulin de Nole. — Démétriade fait vœu de virginité. — Le livre à Juliana sur le veuvage. — Correspondance avec Macédonius, Hilaire, Évode, saint Jérôme.

(414-415.)


On a vu plus d’une fois dans ce travail la pieuse et profonde admiration de saint Paulin de Nole pour Augustin ; il recourait à lui pour chaque obscurité qui s’offrait à son esprit dans l’étude des divines Écritures, et l’évêque d’Hippone nous apprend lui-même qu’il y avait tou-

  1. Testor sacramenta quae per hanc manum afferuntur, dit Marcellin à saint Augustin, qui était venu le visiter.
  2. Lettre 151 à Cécilien. C’est dans cette lettre, écrite en 414, que saint Augustin nous parle de sa conduite à Carthage à l’époque de la mort de Marcellin. Il somme Cécilien de s’expliquer sur des liaisons équivoques avec ce comte Marin. La fin de la lettre à Cécilien est perdue.