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HISTOIRE DE SAINT AUGUSTIN.

Fauste, comme à l’oracle à qui rien n’était caché, et devant lequel tout argument tombait en poussière. En 383, Fauste étant venu à Carthage, Augustin se présenta à ce pontife du manichéisme, qu’il avait tant souhaité de voir et d’entendre. Or il se trouva que Fauste n’était qu’un parleur agréable ; il disait mieux, mais ne disait pas plus que les autres manichéens. Sa parole facile avait seule pu lui faire une renommée. Après quelques objections sérieuses restées sans réponse, Augustin ne tarda pas à reconnaître que, de toutes les sciences, Fauste ne savait que la grammaire, et encore assez médiocrement. Quelques harangues de Cicéron, quelques ouvrages de Sénèque, divers passages des poètes et les livres manichéens les mieux écrits, voilà de quoi se composait le savoir de ce génie tant vanté ; cette étude avait donné une grâce élégante et de la séduction à son langage. Comme les manichéens mêlaient à leurs doctrines les hautes sciences, et qu’ils avaient la prétention d’expliquer les phénomènes du ciel et la marche des astres, Augustin pensait trouver dans Fauste un grand astronome ; il ne trouva qu’un ignorant, mais un ignorant de bonne foi et qui avouait son insuffisance. Ce mécompte refroidit beaucoup Augustin ; en voyant le peu que savait le plus célèbre d’entre eux, il désespéra de rencontrer la vérité dans leurs rangs.

L’Afrique, qu’Augustin était appelé à élever au rang des plus illustres pays catholiques, n’avait point été choisie pour être l’instrument de la conversion de cet ardent chercheur de la vérité, qui fuyait sans cesse à ses regards avides. D’autres contrées devaient l’enfanter à la vie. Rome, qui un jour le proclamera docteur sublime à la face de l’univers, sera auparavant le témoin des inquiétudes de son âme errante, et Milan aura l’insigne honneur de voir Augustin entrer dans l’eau baptismale.




CHAPITRE DEUXIÈME.




Saint Augustin à Rome ; état de cette ville, de ses mœurs et du monde romain ; saint Augustin à Milan ; les préliminaires de sa conversion. — Il est converti.

(383-386.)

Les étudiants de Carthage étaient fort indociles et fort turbulents ; ils faisaient invasion dans les écoles de la ville, et telle était la puissance de cette détestable coutume, que les maîtres ne venaient jamais à bout de maintenir contre les écoliers étrangers la discipline de leur classe. Ces violences avaient fini par fatiguer Augustin. On lui avait vanté la soumission de la jeunesse des écoles de Rome ; le professeur résolut de s’en aller vers l’antique capitale de l’univers ; les magnifiques souvenirs de Rome, le génie de ses grands hommes, la majesté de son histoire, donnaient sans doute du charme à ce projet d’Augustin. Sa jeune ambition se plaisait aussi dans la perspective d’une scène plus haute, d’un plus large horizon. Ainsi se poursuivaient les desseins providentiels sur le fils de Monique, sans que lui-même reconnût la main de Dieu.

Monique, dont le cœur se brisait à la seule pensée d’une longue séparation, ne voulait pas laisser partir son fils ou voulait partir avec lui. Elle s’avança jusque sur le rivage de la mer où devait s’embarquer Augustin. Celui-ci feignit de ne monter sur un navire que pour prolonger ses adieux à un ami et rester avec lui jusqu’au moment du signal du départ ; trompant l’amour de sa mère et voulant se dérober à ses larmes, Augustin lui persuada de passer la nuit sur le rivage dans une chapelle consacrée a l’illustre Cyprien. Dès que le vent se fut levé, on mit à la voile ; et tandis que la pauvre mère, retirée dans l’oratoire de Saint-Cyprien, offrait à Dieu pour son fils ses prières et ses pleurs, le navire s’éloignait. Oh ! que de gémissements et de sanglots lorsque Monique vit les flots déserts et reconnut le départ de son fils ! Tout ce qu’elle put faire dans sa douleur, ce fut de le