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chapitre vingt-septième.

pour ne pas encourir les reproches de la postérité. Il ordonne qu’une conférence solennelle établisse enfin la vérité, enlève leurs basiliques aux évêques donatistes qui ne se rendront pas à l’appel, et réunit de force leurs peuples. Honorius nomme Flavius Marcellin juge et souverain ordonnateur de la conférence.

Quelque temps après Marcellin publia un édit qui annonçait les intentions de l’empereur, convoquait tous les évêques d’Afrique à quatre mois d’intervalle, promettait de rendre leurs basiliques aux évêques donatistes qui se réuniraient à Carthage, proposait aux donatistes de leur adjoindre un juge de leur communion, et affirmait, au nom de l’admirable mystère de la Trinité et du sacrement de l’Incarnation, qu’il s’en tiendrait sincèrement à l’examen des faits dans ce grand débat.

Aurèle, évêque de Carthage, et Silvain, primat de Numidie, par ancienneté d’ordination, adressèrent leur acceptation à Marcellin, au nom de tous les évêques catholiques ; ce fut Augustin qui rédigea la lettre[1]. Après s’être soumis à tous les règlements, les évêques catholiques empêcheraient leurs peuples de pénétrer dans la salle de la conférence ; leur présence pourrait apporter du trouble ; les peuples se contenteront du récit de ce qui se sera passé. Les évêques catholiques déclaraient que si les donatistes parvenaient à prouver l’anéantissement de la véritable Église sur la terre, de telle sorte qu’elle n’existât plus que dans le parti de Donat, ils étaient prêts à se démettre de leur dignité, et à se laisser conduire par ceux qui leur auraient révélé la vérité. Ils déclaraient en outre que s’ils confondaient les évêques du parti de Donat, ces évêques, réunis à l’unité de l’Église, pourraient conserver leur dignité. Il arrivera ainsi que beaucoup d’Églises africaines auront deux évêques ; ces deux évêques rempliront alternativement les fonctions, et la place restera au survivant. Dans le cas où des populations n’aimeraient pas à avoir deux évêques à leur tête, ces deux évêques donneraient leur démission, et l’on procéderait à une élection nouvelle.

« Pourquoi ne ferions-nous pas à notre Rédempteur ce sacrifice d’humilité ? dit la lettre épiscopale ; il est descendu du ciel pour revêtir un corps et nous en faire les membres, cet nous hésiterions à descendre de nos sièges pour mettre un terme aux maux qui déchirent son corps et qui en divisent les membres ! C’est assez pour nous d’être des chrétiens fidèles et soumis. Nous avons été ordonnés évêques pour le compte du, peuple de Jésus-Christ, et nous abandonnerons l’épiscopat, si ce sacrifice peut aider à rétablir la paix parmi les chrétiens. » On reconnaît ici la haute inspiration d’Augustin. Cette résignation des évêques catholiques de l’Afrique, consentie pour mettre un terme à des déchirements désastreux, est restée dans l’histoire comme un mémorable exemple d’abnégation chrétienne. L’Église de France, quatorze siècles plus tard, devait donner au monde un spectacle d’une égale grandeur morale. Le pape Pie VII, dans l’intérêt de la paix religieuse et de ses négociations avec le Premier Consul, demanda aux anciens évêques de notre pays une renonciation volontaire, et nos évêques se démirent de leurs sièges !

Les donatistes, qui, si souvent, avaient reculé devant des explications, se trouvèrent acculés à une grande épreuve qu’il fallait subir. Leurs évêques s’étaient tous rendus à Carthage le 18 mai 411 ; le primat les avait fortement stimulés ; on voyait parmi eux jusqu’à des vieillards : se soutenant à peine ; les malades seuls restèrent dans leurs foyers.

Les évêques donatistes firent leur entrée dans la ville avec un pompeux appareil. De leur côté, les évêques catholiques avaient montré un pieux empressement ; mais ils étaient arrivés à Carthage humblement et sans fracas. Les évêques donatistes se trouvèrent au nombre de deux cent soixante-dix-huit ; les catholiques au nombre de deux cent quatre-vingt-six ; l’âge ou la maladie avaient retenu chez eux cent vingt évêques catholiques. Soixante-quatre sièges catholiques étaient alors vacants ; ce qui nous offre un total de quatre cent soixante et dix évêchés catholiques en Afrique. Joignons-y les deux cent soixante-dix-huit évêques donatistes, et nous aurons pour l’Afrique, à cette époque, sept cent quarante-huit sièges épiscopaux. De plus, les donatistes prétendirent que beaucoup de leurs évêques étaient absents, et plusieurs de leurs sièges vacants. D’après ces calculs, il est aisé de comprendre qu’il y avait en Afrique des évêchés, non-seulement dans toutes les villes, mais encore dans des lieux de peu d’importance.

Il fallait préparer le peuple catholique de

  1. Lettre 128.