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histoire de saint augustin.

tique ; et cependant vous blâmez l’éloquence a et la dialectique. Si ces choses sont dangereuses ; pourquoi en usez-vous ? Si elles ne le sont pas, à quoi bon vos reproches ? » Le dialecticien digne de ce nom est celui qui sépare le vrai du faux, et non pas celui qui cherche à tromper avec des pièges subtils et des questions captieuses : il a besoin de l’appui divin pour atteindre à la vérité. Il amène les hommes, par voie de déduction et de conséquence, à ce qu’ils ignoraient ou à ce qu’ils refusaient de croire. Les dialecticiens n’ont rien de commun avec ces disputeurs à qui le Christ disait : « Pourquoi me tentez-vous, hypocrites ? » La doctrine chrétienne ne redoute pas la dialectique ; le grand Apôtre n’eut pas peur des stoïciens, qui possédaient cet art à un rare degré. Le reste du premier livre contre Cresconius est une démonstration de l’unité du baptême et de l’indépendance de son efficacité.

Le deuxième livre est une suite de l’examen de la lettre ou de l’ouvrage de Cresconius. Le grammairien, voulant avoir raison au moins une fois, s’était mis à soutenir que les partisans de Donat auraient dû s’appeler donatiens plutôt que donatistes, comme les partisans d’Arius se nomment ariens et ceux de Novat novatiens. Augustin répond que Cresconius peut avoir raison, mais qu’il a trouvé le mot donatiste reçu en Afrique lorsqu’il a commencé ses travaux, et qu’il n’a pas eu l’idée de le changer. Il ajoute plaisamment que celui à qui on accorde tant d’éloquence ne sait pas encore décliner, et que désormais on ne doit plus craindre un homme qui a encore besoin de recevoir des leçons de grammaire. Cresconius ne voulait pas que les donatistes fussent appelés hérétiques, mais seulement schismatiques. Il n’y a pas hérésie, disait-il, lorsque la religion et les sacrements sont les mêmes, lorsqu’il n’y a aucune différence dans la pratique chrétienne. — Mais si nous avons les mêmes sacrements, s’écrie Augustin, pourquoi donc rebaptisez-vous ? Vous vous séparez de nous sur la question du baptême, et par là vous êtes hérétiques. — Pétilien avait dit : « Il faut faire attention à la conscience de celui qui donne, puisqu’elle doit purifier la conscience de celui qui reçoit. » L’évêque donatiste de Constantine appliquait cette parole à l’administration du baptême. Cresconius l’avait défendue, mais Augustin ruine cette défense et montre que c’est la vertu du Christ qui purifie et non pas la bonne conscience de celui qui baptise. Cresconius invoquait à l’appui du donatisme le grand nom de Cyprien ; Augustin répond à ce sujet dans le sens que nous avons indiqué ailleurs. C’est par là qu’il termine son deuxième livre et qu’il commence son troisième. Ce troisième livre rappelle des faits importants dans la question du donatisme, soit pour la controverse, soit pour les brutalités souvent sanglantes que les catholiques d’Afrique eurent à subir.

Nous avons parlé des maximianistes, qui formaient une des sectes du parti donatiste. Maximien avait été élevé au siège épiscopal de Carthage contre le donatiste Primien, qui occupait ce siège. Le concile de Bagaï, composé de trois cents évêques de ce parti, condamna en 394 Maximien comme ennemi de l’Église, comme ministre de Dathan, Coré et Abiron, et condamna aussi les douze évêques qui avaient concouru à son ordination. Le quatrième et dernier livre d’Augustin contre Cresconius est une réfutation du grammairien donatiste, par le seul examen de la condamnation de Maximien et de ses adhérents. Cresconius proscrivait la dispute, mais il y avait eu dispute pour retrancher Maximien du sein de la communion donatiste. Les donatistes ne reconnaissent que le baptême conféré dans leurs rangs, et nient l’efficacité du sacrement administré par des mains qui ne sont pas saintes ; mais les maximianistes baptisés dans un schisme sacrilège (schismata sacrilega, ce sont les termes de la sentence du concile) et qui sont revenus à la communion donatiste, n’ont pas été soumis à un nouveau baptême ! Pourquoi cette contradiction ? Augustin se sert ainsi de la cause de Maximien pour achever de mettre en déroute son adversaire. Dans l’ouvrage dirigé contre Cresconius, nous avons retrouvé beaucoup de choses que nous avions déjà vues dans les trois livres contre les lettres de Pétilien : cette répétition était inévitable, puisqu’il s’agissait de réfuter le défenseur de l’évêque donatiste de Constantine. En lisant les quatre livres contre le grammairien, nous admirions une intarissable abondance de preuves, d’interprétations et de pensées dans un sujet que l’évêque d’Hippone a traité si souvent et qu’il semble épuiser toutes les fois qu’il le traite[1].

La mort de saint Jean Chrysostome, le 14

  1. La Revue de saint Augustin (livre II, chap. 27, 28, et 29) fait mention de trois écrits qui ne sont point parvenus jusqu’à nous, et dont l’examen eût trouvé ici sa place : ces trois écrits sont : 1o Pro-