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chapitre vingt-deuxième.

avait pas de justification possible pour l’homme. Voilà pourquoi ils voulaient le faire passer pour un ennemi des divins préceptes de la loi.

Après la venue du Messie, les cérémonies de l’ancienne loi n’étaient ni bonnes ni mauvaises ; Paul, qui avait fait circoncire Timothée, ne fit pas circoncire Tite. Par là, il montrait que les observances légales n’étaient ni sacrilèges ni nécessaires. Quoiqu’on ne dût pas les imposer aux Gentils, on ne devait pas les interdire aux Juifs comme quelque chose de détestable, mais les laisser mourir peu à peu, à mesure que la grâce du Christ aurait été prêchée. Il y a loin de la tolérance des cérémonies judaïques à l’opinion des cérinthiens, des ébionites et des minéens, qui ne croyaient pas le salut possible sans les observations de l’Ancien Testament. Augustin ne permettrait à aucun juif devenu chrétien d’observer sérieusement les cérémonies mosaïques. Paul et les autres chrétiens de la foi la plus pure devaient recommander véritablement les sacrements anciens, en les observant quelquefois, de peur que des observances d’un sens prophétique, gardées par la piété des pères, ne fussent détestées par leurs descendants comme des sacrilèges diaboliques. Depuis l’avènement de la foi, ces préceptes avaient perdu leur vie. Il fallait les conduire comme des corps morts à la sépulture, non point par dissimulation, mais par religion, et ne pas les abandonner tout d’un coup aux calomnies des ennemis comme aux morsures des chiens. Si maintenant, ajoute Augustin, quelque chrétien, fût-il même né juif, voulait célébrer ces cérémonies, ce ne serait plus leur faire une pieuse conduite ni les porter dans la tombe, mais ce serait déterrer des cendres endormies et violer avec impiété la sainteté des sépulcres.

Augustin avoue qu’il ne s’était pas suffisamment expliqué en disant que Paul, dans l’observance des cérémonies judaïques, avait voulu montrer seulement qu’elles n’avaient rien de pernicieux. Il avait plus complètement développé sa pensée dans son ouvrage contre le manichéen Fauste. L’évêque d’Hippone se joint à Jérôme pour déclarer nuisible et mortelle aux chrétiens l’observation des cérémonies de l’ancienne loi.

La lettre d’Augustin, écrite avec un esprit de paix, offre un seul passage marqué d’une certaine intention ; c’est le passage où il est question de l’humble soumission de Pierre et de la courageuse liberté de Paul. Pierre a laissé un grand et saint exemple en souffrant d’être repris par un apôtre moins ancien que lui, et Paul n’a pas craint de résister aux anciens pour la défense de la vérité évangélique, sauf la charité fraternelle qu’on ne doit jamais blesser : il est plus admirable cependant de recevoir volontiers une réprimande que d’oser la faire. C’est avec son humilité qu’il aurait fallu défendre Pierre contre les calomnies de Porphyre, et cela eût mieux valu que de répondre à ses blasphèmes en supposant la dissimulation dans les Écritures. Lorsque Augustin a dit que Paul avait été Juif avec les Juifs, Gentil avec les Gentils, il n’a pas pu croire à une pensée de dissimulation de la part du grand Apôtre ; il a donné à entendre qu’il n’y avait pas plus de feinte dans ce que Paul faisait pour se conformer aux Juifs, que dans ce qu’il faisait pour se conformer aux Gentils. Pour les gagner tous, Paul sut se faire tout à tous par affection et miséricorde.

Les dernières pages de la lettre exhalent un parfum de charité. On a induit en erreur Jérôme, en lui faisant croire que la lettre répandue à Rome et en Italie, avant d’être arrivée à Bethléem, avait été détournée de son but par malignité. Augustin prend Dieu à témoin qu’il est resté étranger à tout cela. Les frères de Judée, s’ils sont des vases du Christ, ajouteront foi à sa protestation. Augustin demande de nouveau pardon à Jérôme s’il l’a offensé ; il s’accuse d’avoir montré plus d’imprudence que de littérature, en rappelant le souvenir du prêtre Stésichore, devenu aveugle pour avoir mal parlé d’Hélène, et supplie qu’on le reprenne hardiment quand il le méritera. L’épiscopat est au-dessus de la prêtrise ; « cependant Augustin est, en beaucoup de choses, au-dessous de Jérôme. »

Passant à une autre question soulevée dans cette correspondance, l’évêque d’Hippone reconnaît les grands avantages de la version de Jérôme faite sur l’hébreu. Il lui demande sa version des Septante et son traité sur la meilleure manière de traduire. S’il ne fait pas lire dans les églises la traduction de Jérôme, c’est pour éviter le grand scandale qui troublerait le peuple du Christ accoutumé à la version des Septante, dans le cas où l’on voudrait introduire quelque nouveauté dans l’explication du texte hébraïque.

Ainsi se termina la dispute entre les deux