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histoire de saint augustin.

qui vous devez croire. Mais il n’est pas besoin de cette courte et facile défense ; il ne s’agit pas ici du mérite d’un homme, mais de la vérité de la sainte Église… Si, en enlevant les grains de l’aire du Seigneur, j’entraîne en même temps de la terre et de la paille, quoi d’étonnant que je souffre l’injure de la poussière qui s’élève ? Lorsque je cherche les brebis perdues de mon maître, quoi de surprenant que je sois déchiré par les dards des langues épineuses ? »

Non-seulement dans ses livres, mais aussi dans ses discours en pleine assemblée, Augustin convenait saintement et courageusement de cette vie passée dont s’emparaient les donatistes acharnés à sa poursuite. Cet humble grand homme, expliquant à Carthage le psaume trente-six, disait aux donatistes : « Vous reprenez mes anciens péchés ; et que faites-vous en cela de considérable ? Je suis plus sévère pour les condamner que vous ne l’êtes vous-mêmes. J’ai détesté le premier ce que vous blâmez. Plût à Dieu que vous voulussiez m’imiter, et que l’erreur dans laquelle vous êtes engagés devînt un jour pour vous une erreur passée ! » Les paroles suivantes achèvent de peindre la beauté de l’âme d’Augustin, de cette âme qui luttait à toute heure pour se débarrasser des dernières impressions de la terre : — « Je n’ignore pas que j’ai encore des défauts dont les donatistes peuvent me reprendre ; « mais il ne faut pas qu’ils prétendent les connaître. J’ai beaucoup à travailler au dedans de moi-même pour combattre mes mauvais désirs. J’ai de continuelles guerres à soutenir contre les tentations de l’ennemi qui veut me perdre. Je gémis devant Dieu dans le sentiment de ma faiblesse ; et Dieu sait ce que mon cœur enfante pour ainsi dire, lui qui voit les douleurs et les déchirements spirituels que je souffre. Celui devant qui nous gémissons est le seul qui sache ce que nous sommes. »

Augustin priait les catholiques de Carthage de laisser croire sur son compte aux donatistes tout ce qu’ils voudraient, de ne pas disputer avec eux sur ce qui lui était personnel, mais de réserver leurs efforts et leur zèle pour la cause de l’Église, bien indépendante de la sienne propre. « Et que suis-je, moi ? disait-il ; suis-je l’Église catholique ? C’est assez pour moi de lui appartenir. Vous prétendez que je suis mauvais, ajoute-t-il en s’adressant aux donatistes ; j’aurais bien d’autres choses à me reprocher. « Mais ne vous occupez pas de moi ; venons au fond ; examinez ce qui regarde l’Église ; voyez où vous êtes. De quelque côté que la vérité vous parle, écoutez-la, de peur que vous ne soyez déshérités de ce pain céleste en vous obstinant à chercher les défauts du vase dans lequel il est renfermé. »

Dans l’intervalle du deuxième au troisième livre contre les lettres de Pétilien, Augustin écrivit aux catholiques de son diocèse une nouvelle lettre en réponse à l’évêque donatiste de Constantine. Nous n’en donnerons pas l’analyse détaillée ; nous craindrions de fatiguer le lecteur par des redites. À la distance des siècles, cette question se présente d’ailleurs à notre esprit avec un tel caractère de simplicité, que la solution ne souffre pas l’ombre d’un doute. Dans sa nouvelle lettre aux catholiques, appelée aussi le livre De l’unité de l’Église, le grand évêque revient à ce point fondamental qu’il s’agit d’établir : où est l’Église ? est-elle chez les catholiques ou chez les donatistes ? Le caractère de la véritable Église est son universalité ; les livres divins en font foi ; or, les donatistes n’étaient qu’en Afrique ; les catholiques, au contraire, couvraient toute la terre. Le parti de Donat ne se maintenait qu’en profitant de certaines obscurités ou ambiguïtés des Écritures.

À défaut d’arguments et de bonnes raisons, les donatistes opposaient à l’évêque d’Hippone les flèches et le fer des circoncellions. Lorsque ses devoirs, son zèle ou sa charité conduisaient Augustin en divers pays, combien de fois les circoncellions envahirent les routes par où il devait passer ! C’était une noble proie désignée à leur fureur, et les courses pieuses de l’évêque éveillaient mille projets homicides. Souvent il échappait à de noirs complots en suivant des chemins par où on ne l’attendait pas ; quand il avait trompé la vengeance de l’ennemi, la vengeance s’exerçait sur des clercs ou des fidèles. Un jour il arriva que le grand docteur tomba entre les mains des circoncellions et fut accablé de coups. Une autre fois on guettait son passage avec la ferme intention de lui ôter la vie ; les ennemis s’étaient placés sur la route même que l’évêque avait prise ; mais sa mission religieuse n’était pas encore terminée ; la Providence permit que le guide d’Augustin et de ses compagnons se trompât de chemin et les égarât tous. C’est ainsi que l’en-