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jusqu’à ce que le jour où il doit être dompté soit venu. Un matin le csikós, qui connaît son haras comme d’autres connaissent leur famille, se dit qu’il dressera tel cheval qu’il aperçoit. Il s’approche de lui en parlant et en lui montrant une main prête à le caresser. L’animal tourne vers l’homme un regard oblique. Sa longue crinière est hérissée de ronces enlevées aux prairies. Ses naseaux s’enflent dès qu’il sent une main se poser sur son cou. Il est inquiet comme s’il s’attendait à un danger, il va fuir. Mais le csikós a enfoncé son bonnet ; il a serré les dents en avançant la mâchoire inférieure, de façon à relever sa pipe, et il se trouve tout à coup sur le cheval au moment où celui-ci croit s’échapper. Alors commence entre le cavalier et l’animal une lutte terrible. Éperdu, consterné, le cheval fait des efforts désespérés pour se délivrer de son fardeau. Il se cabre, il se redresse, il fait des bonds de tigre. Rien n’y fait. Le csikós lance périodiquement de magnifiques bouffées de tabac, attendant qu’il plaise à sa monture d’en finir. L’animal se jette à terre ; mais au moment où il se baisse, le cavalier écarte les jambes, se retrouve d’aplomb sur le sol, et le cheval, en se relevant, le porte encore. Enfin il part comme le vent ; il veut fuir ce poids incommode, et il emploie le reste de sa force à courir. C’est ce que l’homme attendait. Il regarde le soleil, observe la direction que prend sa monture à travers la steppe nue, et se laisse emporter. Quand le cheval est rendu,