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Quelquefois le son d’une musique militaire éclate tout à coup dans le village. Des hussards, revêtus de leur élégant costume, exécutent sur la place une danse animée en choquant leurs éperons. Le paysan accourt et contemple ce brillant spectacle. Ses yeux suivent les danseurs ; il épie chaque pose, chaque geste : la musique et le bruit du sabre l’exaltent ; fasciné et comme hors de lui, il quitte le cercle des spectateurs, frappe ses éperons et se mêle aux hussards. Il admire leur uniforme. On lui attache un sabre : il prend un shako orné d’un panache flottant. Dans son ivresse, il a vite marqué une croix ou signé son nom au bas d’un méchant papier qu’on lui présente. N’aura-t-il pas à son tour de belles armes, un bon cheval, et ne viendra-t-il pas, en brillant costume, danser devant les femmes de son village ? Hélas, le rêve ne dure pas long-temps. Devenu soldat au service de « l’empereur allemand », il est soumis à une discipline qu’il ne soupçonnait pas. Que n’a-t-il du moins le beau cheval que son imagination lui peignait ! Mais la plupart du temps il est incorporé dans l’infanterie, et il ne lui reste d’autre consolation que de porter les bottines et l’étroit pantalon galonné qui distinguent les régiments hongrois des corps allemands. Il est envoyé en Lombardie, en Bohême, commandé par un officier autrichien, et, dans l’éloignement, songeant à la belle vie qu’il a abandonnée et qui s’embellit encore de toute la poésie des souvenirs, il regrette l’áldott