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l’étoffe, elle reprit courage, et commença un air lent et prolongé, qu’elle chantait avec de continuels trémolos ; parfois elle s’interrompait pour siffler, en manière de refrain, avec une grande habileté. Comme sa verve allait s’éteindre, on fit venir une de ses compagnes qui n’avait pas moins de réputation qu’elle. Toutes deux s’enhardirent mutuellement, et, se plaçant sous le voile, formèrent un groupe qui eût sans doute inspiré un peintre. Leurs têtes penchées l’une vers l’autre, elles tournaient peu à peu vers nous leurs yeux noirs pour s’accoutumer à notre présence, et, avec une charmante gaucherie, passaient leurs dix doigts dans les colliers de monnaies et de verroteries qui pendaient sur leurs poitrines. À la fin elles s’habituèrent si bien à nous voir, qu’elles chantèrent je ne sais combien de hora, « d’airs nationaux ». On eût dit qu’elles le faisaient pour leur propre plaisir, tellement elles y mettaient de zèle, et ce fut à nous de leur dire de ne pas épuiser tout leur répertoire en un jour.

Leur timidité avait disparu ; aussi commencèrent-elles à parler. Il fallut leur expliquer pourquoi on les avait fait venir. « Voici un étranger, leur disait-on, qui a voulu vous entendre. — Ne chante-t-on pas dans son pays ? » répondaient-elles. — On leur commanda des chemises brodées, des serviettes, que je voulais emporter. « Qu’a-t-il besoin de tous ces objets ? est-ce que tout cela ne se trouve pas chez lui ? » Puis venaient les