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coraient les consoles. Il y avait dans tout cela un goût valaque, qui s’était manifesté surtout dans le choix des tableaux. À côté d’une bonne gravure de la Cène, par Léonard de Vinci, était cloué un comique saint Pierre dans le goût de ces peintures primitives qu’on voit chez tous les paysans, lequel portait sur l’épaule un petit coq rouge fort curieux. Il va sans dire que la maîtresse du logis nous offrit du vin et du gâteau de maïs.

Le Valaque qui possède ces richesses les a gagnées en travaillant ; pourtant il n’est pas avare, et, quoiqu’il ait été pauvre, il n’a pas la vanité des hommes enrichis. Il a gardé la même manière de vivre et porte toujours ses habits de paysan. Cependant il sait faire parade de sa fortune devant ceux qui méprisent la pauvreté des gens de sa nation. Alors il les humilie à son tour en éveillant leur cupidité. Un jour qu’il revenait à pied de Carlsbourg, où il avait reçu une grosse somme, il rencontra un intendant monté sur un cheval qu’il lui prit fantaisie d’acheter, « Combien vaut ce cheval ? » demanda-t-il. Le cavalier trouva la question impertinente et répondit fièrement : « Ce cheval est trop beau pour toi. — Mais encore… — Eh bien ! cent ducats. » Le cheval n’en valait pas dix. « Cent ducats ? reprit-il, descends, les voilà. » Et il tendit sa main pleine d’or. L’intendant se garda bien de manquer une aussi bonne affaire ; il descendit, remit le cheval, et le paysan lui compta dans son chapeau cent ducats, qu’il dut recevoir en rougissant. Il